Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/36

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas trouvé quelques morceaux dignes de votre attention dans les Éléments de Newton, vous ne les auriez pas loués.

Cette philosophie a plus d’un droit sur vous : elle est la seule vraie, et M, votre frère de Pouilly[1] est le premier en France qui l’ait connue. Je n’ai que le mérite d’avoir osé effleurer le premier, en public, ce qu’il eût approfondi s’il eût voulu.

Je ne sais si ma santé me permettra dorénavant de suivre ces études avec l’ardeur qu’elles méritent ; mais il s’en faut bien qu’elles soient les seules qui doivent fixer un être pensant. Il y a des livres sur les droits les plus sacrés des hommes, des livres écrits par des citoyens aussi hardis que vertueux, où l’on apprend à donner des limites aux abus, et où l’on distingue continuellement la justice et l’usurpation, la religion et le fanatisme. Je lis ces livres avec un plaisir inexprimable ; je les étudie, et j’en remercie l’auteur, quel qu’il soit.

Il y a quelques années, monsieur, que j’ai commencé une espèce d’histoire philosophique du siècle de Louis XIV ; tout ce qui peut paraître important à la postérité doit y trouver sa place ; tout ce qui n’a été important qu’en passant y sera omis. Les progrès des arts et de l’esprit humain tiendront dans cet ouvrage la place la plus honorable. Tout ce qui regarde la religion y sera traité sans controverse, et ce que le droit public a de plus intéressant pour la société s’y trouvera. Une loi utile y sera préférée à des villes prise et rendues, à des batailles qui n’ont décidé de rien. On verra dans tout l’ouvrage le caractère d’un homme qui fait plus de cas d’un ministre qui fait croître deux épis de blé là où la terre n’en portait qu’un que d’un roi qui achète ou saccage une province.

Si vous aviez, monsieur, sur le règne de Louis XIV quelques anecdotes dignes des lecteurs philosophes, je vous supplierais de m’en faire part. Quand on travaille pour la vérité on doit hardiment s’adresser à vous, et compter sur vos secours. Je suis, monsieur, avec les sentiments d’estime les plus respectueux, etc.


951. — À M. LEFRANC[2].
À Cirey, le 30 octobre.

Tous les hommes ont de l’ambition, monsieur, et la mienne est de vous plaire, d’obtenir quelquefois vos suffrages, et toujours

    un Traité de l’autorité du pape, ouvrage que Voltaire loue indirectement dans le troisième alinéa de sa lettre.

  1. Voyez la lettre que Voltaire lui écrivit le 27 février 1739.
  2. Voyez la note, tome XXIV, page 111.