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CORRESPONDANCE.


559. — À M. DE LA ROQUE[1].
à Cirey, ce 10 février.

Je suis bien fâché, monsieur, qu’un peu d’indisposition m’empêche de vous écrire de ma main. Je n’ai que la moitié du plaisir, en vous marquant ainsi combien je suis sensible à vos politesses. Il est bien doux de plaire à un homme qui, comme vous, connaît et aime tous les beaux-arts. Vous me rappelez toujours, par votre goût, par votre politesse, et par votre impartialité, l’idée du charmant M. de La Faye, qu’on ne peut trop regretter. Je pense bien comme vous sur les beaux-arts.

Vers enchanteurs, exacte prose[2],
Je ne me borne point à vous ;
N’avoir qu’un goût, c’est peu de chose ;
Beaux-arts, je vous invoque tous.
Musique, danse, architecture,
Art de graver, docte peinture.
Que vous m’inspirez de désirs !
Beaux-arts, vous êtes des plaisirs ;
Il n’en est point qu’on doive exclure.

Je voudrais bien, monsieur, vous envoyer quelques-unes de ces bagatelles pour lesquelles vous avez trop d’indulgence ; mais vous savez que ces petits vers, que j’adresse quelquefois à mes amis, respirent une liberté dont le public sévère ne s’accommoderait pas. Si, parmi ces libertins, qui vont toujours nus, il s’en trouve quelques-uns vêtus à la mode du pays, j’aurai l’honneur de vous les envoyer.

Je suis, monsieur, avec toute l’estime qu’on ne peut vous refuser, et avec une amitié qui mérite la vôtre, etc.


560. — À M. L’ABBÉ D’OLIVET.
À Cirey, ce 12 février.

Si vous avez eu la goutte, dans votre séjour du tumulte et de l’inquiétude, j’ai eu la fièvre, mon cher abbé, dans l’asile de la tranquillité. Si bene calculum ponas, ubique naufragium invenies[3].

  1. Voyez la lettre 277.
  2. Ces neuf vers se trouvent dans le Temple du Goût, avec une transposition du sixième vers.
  3. On lit dans Pétrone, chapitre cxv : Si bene calculum ponas, ubique naufragium est.