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ANNÉE 1735.

et pour vos amis est un excellent médecin. Je vous demande pardon, madame, de la témérité de Linant ; le zèle l’a emporté.

Il est difficile de taire
Ce qu’on sent au fond de son cœur ;
L’exprimer est une autre affaire.
Il ne faut point parler si l’on n’est sur de plaire ;
Souvent l’on est un fat, en montrant trop d’ardeur ;
Mais soupirer tout bas, serait-ce vous déplaire ?
Punissez-vous, ainsi qu’un téméraire,
L’amant discret, soumis dans son malheur,
Qui sait cacher sa flamme et sa douleur ?
Ah ! trop de gens vous mettraient en colère.

Voilà des vers aussi. Je serais trop jaloux si Linant était votre seul poëte. Toute votre famille est faite pour la société. Mme du Châtelet connaît tout le prix de la vôtre.

Bien des respects à M. de La Neuville, et quelque chose de plus à Mme de Champbonin.


492. — À M. LE CARDINAL ALBÉRONI.
Juillet.

Monseigneur, la lettre[1] dont Votre Éminence m’a honoré est un prix aussi flatteur de mes ouvrages que l’estime de l’Europe a dû vous l’être de vos actions. Vous ne me deviez aucun remerciement, monseigneur ; je n’ai été que l’organe du public en parlant de vous. La liberté et la vérité, qui ont toujours conduit ma plume, m’ont valu votre suffrage. Ces deux caractères doivent plaire à un génie tel que le vôtre. Quiconque ne les aime pas pourra bien être un homme puissant, mais ne sera jamais un grand homme.

Je voudrais être à portée d’admirer de plus près celui à qui j’ai rendu justice de si loin. Je ne me flatte pas d’avoir jamais le bonheur de voir Votre Éminence ; mais si Rome entend assez ses intérêts pour vouloir au moins rétablir les arts, le commerce, et les remettre en quelque splendeur dans un pays qui a été autrefois le maître de la plus belle partie du monde, j’espère alors que je vous écrirai sous un autre titre que sous celui de Votre Éminence, dont j’ai l’honneur d’être avec autant d’estime que de respect, etc.

  1. Voyez cette lettre, sous le No 463.