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au livre du savant et judicieux Fréret[1], au dialecticien Dumarsais[2], au livre de Boulanger[3], à l’Évangile de la raison[4], au Vicaire savoyard, le seul véritablement bon ouvrage qu’ait jamais fait Jean-Jacques Rousseau[5].

Tous ces auteurs prétendent que le système qu’ils combattent s’est établi naturellement et sans aucun prodige. Ils disent qu’à la vérité les prêtres d’Isis, ceux de la déesse de Syrie, ceux de Cérès Éleusine, et tant d’autres, avaient des secrets pour chasser les esprits malins du corps des lunatiques ; que les Juifs, depuis qu’ils avaient embrassé la doctrine des diables, les chassaient par la vertu de la racine barath[6] et de la clavicule de Salomon ; que dans Matthieu et Luc[7], on convient de cette puissance du peuple juif ; mais ils ajoutent avec audace que ce miracle n’est pas bien avéré chez les prêtres de Syrie. Les Galiléens, dit Dumarsais, ajoutèrent à leurs exorcismes des déclamations contre les riches. Ils criaient : « La fin du monde approche, le royaume du ciel va venir ; il n’y aura que les pauvres qui entreront dans ce royaume ; donnez tout ce que vous avez, et nous vous ferons entrer. » Ils prédisaient toutes sortes de malheurs à l’empire romain, comme le rapporte Lucien, qui en a été témoin[8]. Les malheurs ne manquent jamais d’arriver : tout homme qui prédira des malheurs sera toujours un vrai prophète ; le peuple criait miracle, et prenait les Galiléens pour des sorciers. Peu à peu les Galiléens s’instruisirent chez les platoniciens ; ils mêlèrent leurs contes avec les dogmes de Platon, ils en composèrent une secte nouvelle.

Voilà ce que Dumarsais dit, et ce qu’il faut absolument réfuter.

Milord Bolingbroke[9] va encore plus loin : il cite l’exemple du

  1. Examen critique des apologistes de la religion chrétienne, 1767, in-12, ouvrage publié, il est vrai, sous le nom de Fréret, mais qui paraît être de Lévesque de Burigny ; voyez tome XXVI, page 506.
  2. L’épithète de dialecticien est donnée à Dumarsais à l’occasion de l’Analyse de la religion chrétienne, publiée sous le nom de cet auteur dans le Recueil nécessaire.
  3. L’Antiquité dévoilée, 1766, in-4°, ou 3 volumes in-12.
  4. L’Évangile de la raison existe dans les formats in-8° et in-12. C’est un recueil de pièces philosophiques. Ce sont les mêmes que dans le Recueil nécessaire (voyez la note, tome XXV, page 125) ; cependant toutes les éditions de l’Évangile de la raison ne contiennent pas les mêmes pièces. (B.)
  5. Le grand éloge que Voltaire fait ici de la Profession de foi du vicaire savoyard (qui est au 4e livre d’Émile) ne l’empêcha pas de la critiquer ; voyez le chapitre xxxv de Dieu et les Hommes. (B.)
  6. Voyez tome XI, page 137 ; et XVIII, 336.
  7. Matthieu, chap. xii ; Luc, chap. xi. (Note de Voltaire.)
  8. Voyez le Philopatris de Lucien. (Id.) — Voyez tome XXVI, page 229.
  9. C’est-à-dire Voltaire lui-même ; voyez tome XXVI, page 221.