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COMMENTAIRE SUR LE LIVRE

« Ainsi, dans le crime de lèse-majesté, le roi était maître des biens, et les enfants en étaient privés. Le procès ayant été fait à Naboth, quia maledixerat regi, le roi Achab se mit en possession de son héritage. David, étant averti que Miphiboseth s’était engagé dans la rébellion, donna tous ses biens à Siba, qui lui en apporta la nouvelle : Tua sint omnia quæ fuerunt Miphiboseth[1]. »

Il s’agit de savoir qui héritera des biens de Mlle de Canillac, biens autrefois confisqués sur son père, abandonnés par le roi à un garde du trésor royal, et donnés ensuite par le garde du trésor royal à la testatrice. Et c’est sur ce procès d’une fille d’Auvergne qu’un avocat général s’en rapporte à Achab, roi d’une partie de la Palestine, qui confisqua la vigne de Naboth après avoir assassiné le propriétaire par le poignard de la justice : action abominable qui est passée en proverbe pour inspirer aux hommes l’horreur de l’usurpation. Assurément la vigne de Naboth n’avait aucun rapport avec l’héritage de Mlle de Canillac. Le meurtre et la confiscation des biens de Miphiboseth, petit-fils du roi Saül, et fils de Jonathas, ami et protecteur de David, n’ont pas une plus grande affinité avec le testament de cette demoiselle.

C’est avec cette pédanterie, avec cette démence de citations étrangères au sujet, avec cette ignorance des premiers principes de la nature humaine, avec ces préjugés mal conçus et mal appliqués, que la jurisprudence a été traitée par des hommes qui ont eu de la réputation dans leur sphère. On laisse aux lecteurs à se dire ce qu’il est superflu qu’on leur dise.



XXII.
de la procédure criminelle, et de quelques autres formes.[2]

Si un jour des lois humaines adoucissent en France quelques usages trop rigoureux, sans pourtant donner des facilités au crime, il est à croire qu’on réformera aussi la procédure dans les articles où les rédacteurs ont paru se livrer à un zèle trop sévère. L’ordonnance criminelle, en plusieurs points, semble n’avoir été dirigée qu’à la perte des accusés. C’est la seule loi[3] qui soit uni-

  1. II. Rois, xvi, 4.
  2. Plusieurs alinéas de ce paragraphe ont été reproduits par Voltaire, en 1769, dans le chapitre xiii du Précis du Siècle de Louis XV ; voyez tome XV, p. 423, 424, 425, 426 ; et, en 1771, dans l’article Criminel des Questions sur l’Encyclopédie ; voyez tome XVIII, page 280.
  3. Aujourd’hui la législation est uniforme en France.