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COMMENTAIRE SUR LE LIVRE

en leur arrachant les testicules, soit en les froissant. On confisquait aussi par cette loi les biens de ceux qui se faisaient ainsi mutiler. On aurait pu punir Origène, qui se soumit à cette opération, ayant interprété rigoureusement ce passage de saint Matthieu : « Il en est qui se sont châtrés eux-mêmes pour le royaume des cieux. »

Les choses changèrent sous les empereurs suivants, qui adoptèrent le luxe asiatique, et surtout dans le bas-empire de Constantinople, où l’on vit des eunuques devenir patriarches et commander des armées.

Aujourd’hui, à Rome, l’usage est qu’on châtre les enfants pour les rendre dignes d’être musiciens du pape, de sorte que castrato et musico del papa sont devenus synonymes. Il n’y a pas longtemps qu’on voyait à Naples en gros caractères, au-dessus de la porte de certains barbiers : Qui si castrano maravigliosamente i putti.



XXI.
de la confiscation attachée à tous les délits dont on a parlé.[1]

C’est une maxime reçue au barreau : « Qui confisque le corps confisque les biens ; » maxime en vigueur dans les pays où la coutume tient lieu de loi. Ainsi, comme nous venons de le dire, on y fait mourir de faim les enfants de ceux qui ont terminé volontairement leurs tristes jours, comme les enfants des meurtriers. Ainsi une famille entière est punie dans tous les cas pour la faute d’un seul homme.

Ainsi lorsqu’un père de famille aura été condamné aux galères perpétuelles par une sentence arbitraire[2], soit pour avoir donné retraite chez soi à un prédicant, soit pour avoir écouté son sermon dans quelque caverne ou dans quelque désert, la femme et les enfants sont réduits à mendier leur pain.

Cette jurisprudence, qui consiste à ravir la nourriture aux orphelins, et à donner à un homme le bien d’autrui, fut inconnue dans tout le temps de la république romaine. Sylla l’introduisit

  1. Voltaire a, en 1769, reproduit tout ce paragraphe dans le chapitre xiii du Précis du Siècle de Louis XV ; voyez tome XV, page 421. En 1771, il le reproduisit, avec quelques différences, dans l’article Confiscation des Questions sur l’Encyclopédie ; voyez tome XVIII, page 233.
  2. Voyez l’édit de 1724, 14 mai, publié à la sollicitation du cardinal de Fleury, revu par lui. (Note de Voltaire.)