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DES DÉLITS ET DES PEINES.

le saint nom de Dieu, de sa très-sainte mère ou de ses saints, seront condamnés : pour la première fois, à une amende ; pour la seconde, tierce et quatrième fois, à une amende double, triple et quadruple ; pour la cinquième fois, au carcan ; pour la sixième fois, au pilori, et auront la lèvre supérieure coupée ; et la septième fois auront la langue coupée tout juste. »

Cette loi paraît sage et humaine ; elle n’inflige une peine cruelle qu’après six rechutes qui ne sont pas présumables.

Mais pour des profanations plus grandes qu’on appelle sacriléges, nos collections de jurisprudence criminelle, dont il ne faut pas prendre les décisions pour des lois, ne parlent que du vol fait dans les églises, et aucune loi positive ne prononce même la peine du feu : elles ne s’expliquent pas sur les impiétés publiques, soit qu’elles n’aient pas prévu de telles démences, soit qu’il fût trop difficile de les spécifier. Il est donc réservé à la prudence des juges de punir ce délit. Cependant la justice ne doit rien avoir d’arbitraire.

Dans un cas aussi rare, que doivent faire les juges ? Consulter l’âge des délinquants, la nature de leur faute, le degré de leur méchanceté, de leur scandale, de leur obstination, le besoin que le public peut avoir ou n’avoir pas d’une punition terrible. « Pro qualitate personæ, proque rei conditione et temporis et ætatis et sexus, vel severius vel clementius[1] statuendum. » Si la loi n’ordonne point expressément la mort pour ce délit, quel juge se croira obligé de la prononcer ? S’il faut une peine, si la loi se tait, le juge doit, sans difficulté, prononcer la peine la plus douce, parce qu’il est homme.

Les profanations sacriléges ne sont jamais commises que par de jeunes débauchés : les punirez-vous aussi sévèrement que s’ils avaient tué leurs frères ? Leur âge plaide en leur faveur : ils ne peuvent disposer de leurs biens, parce qu’ils ne sont point supposés avoir assez de maturité dans l’esprit pour voir les conséquences d’un mauvais marché ; ils n’en ont donc pas eu assez pour voir la conséquence de leur emportement impie.

Traiterez-vous un jeune dissolu[2] qui, dans son aveuglement, aura profané une image sacrée, sans la voler, comme vous avez traité la Brinvilliers, qui avait empoisonné son père et sa famille ? Il n’y a point de loi expresse contre ce malheureux ; et vous en feriez une pour le livrer au plus grand supplice ! Il mérite un

  1. Titre xiii. Ad legem Juliam. (Note de Voltaire.)
  2. Voyez, page 503, la Relation de la mort du chevalier de La Barre.