Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome24.djvu/39

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion


À M. DE ***,


PROFESSEUR EN HISTOIRE[1]
__________
Décembre 1753.

Vous avez dû vous apercevoir, monsieur, que cette prétendue Histoire universelle imprimée à la Haye, annoncée jusqu’au temps de Charles-Quint, et qui contient cent années de moins que le titre ne promet, n’était point faite pour voir le jour. Ce sont des recueils informes d’anciennes études auxquelles je m’occupais, il y a environ quinze années, avec une personne respectable, au-dessus de son sexe et de son siècle, dont l’esprit embrassait tous les genres d’érudition, et qui savait y joindre le goût sans quoi cette érudition n’eût pas été un mérite[2].

Je préparais uniquement ce canevas pour son usage et pour le mien, comme il est aisé de le voir par l’inspection même du commencement. C’est un compte que je me rends librement à moi-même de mes lectures, seule manière de bien apprendre et de se faire des idées nettes : car, lorsqu’on se borne à lire, on n’a presque jamais dans la tête qu’un tableau confus.

Mon principal but avait été de suivre les révolutions de l’esprit humain dans celles des gouvernements.

Je cherchais comment tant de méchants hommes, conduits par de plus méchants princes, ont pourtant à la longue établi des sociétés où les arts, les sciences, les vertus même ont été cultivées.

Je cherchais les routes du commerce, qui réparent en secret les ruines que les sauvages conquérants laissent après eux; et je m’étudiais à examiner, par le prix des denrées, les richesses ou

  1. Ce morceau fut imprimé à la tête des Annales de l’Empire, en 1753 ; ainsi qu’il a été dit dans l’Avertissement de Beuchot, placé en tête des Annales de l’Empire, tome XIII, page 188.
  2. Mme du Châtelet.