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MÉMOIRE SUR LA SATIRE.

reprochait ses libelles scandaleux : « Monsieur, dit-il, il faut que je vive. »

Il s’est trouvé réellement des hommes assez perdus d’honneur pour faire un métier public de ces scandales : semblables à ces assassins à gages, ou à ces monstres du siècle passé, qui gagnaient leur vie à vendre des poisons.

Mais je ne crois pas que depuis que les hommes sont méchants et calomniateurs on ait jamais mis au jour un libelle aussi déshonorant pour l’humanité que celui qui a paru à Paris au mois de janvier de cette année 1739, sous le titre de Voltairomanie, ou Mémoire d’un jeune avocat. (1738, in-12.)

C’est de quoi je suis obligé par toutes les lois de l’honneur de dire un mot ici ; et je prie tout lecteur attentif de vouloir bien examiner une cause qui devient l’affaire de tout honnête homme : car quel homme de bien n’est pas exposé à la calomnie plus ou moins publique ? Tout lecteur sage est, en de pareilles circonstances, un juge qui décide de la vérité et de l’honneur en dernier ressort, et c’est à son cœur que l’injustice et la calomnie crient vengeance[1].


EXAMEN D’UN LIBELLE CALOMNIEUX
INTITULÉ LA VOLTAIROMANIE, OU MÉMOIRE D’UN JEUNE AVOCAT.

Il est juste en premier lieu de laver l’opprobre que l’on fait au corps respectable des avocats, en imputant à l’un de leurs membres un malheureux libelle, où les injures et les calomnies les plus atroces tiennent lieu de raisons ; un libelle où l’on traite avec indignité M.  Andry, qui travaille avec applaudissement depuis trente ans au Journal des Savants sous M.  l’abbé Bignon ; un libelle où l’on appelle M.  de Fontenelle ridicule ; celui-ci, Thersite de la Faculté[2] ; celui-là, cyclope ; cet autre, faquin ; un libelle enfin qui, pour me servir des expressions d’un des plus estimables hommes de Paris, est l’ouvrage des furies, si les furies n’ont point d’esprit.

Quand on s’abaisse à parler d’un libelle, je crois qu’il n’en faut parler que papiers justificatifs en main, soit devant les juges, soit devant le public. Voici donc la lettre d’un des plus anciens et des meilleurs avocats de Paris, qui prouve qu’il est impossible qu’un avocat soit l’auteur de ce libelle punissable.

  1. Quelques mots de cet alinéa sont dans le Mémoire qui précède, page 27.
  2. Ces expressions sont aussi dans le Mémoire, page 28.