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T.


Il se trouve toujours de petits compilateurs qui osent être ennemis de leur siècle ; ils entassent, entassent des passages de Plutarque et d’Athénée, pour tâcher de nous prouver que nous n’avons nulle obligation aux Newton, aux Halley, aux Bradley. Ils se font les trompettes de la gloire des anciens. Ils prétendent que ces anciens ont tout dit, et ils sont assez imbéciles pour croire partager leur gloire, parce qu’ils la publient. Ils tordent une phrase d’Hippocrate pour faire accroire que les Grecs connaissaient la circulation du sang mieux qu’Harvey. Que ne disent-ils aussi que les Grecs avaient de meilleurs fusils, de plus gros canons que nous, qu’ils lançaient des bombes plus loin, qu’ils avaient des livres mieux imprimés, de plus belles estampes, etc., etc. ; qu’ils excellaient dans la peinture à l’huile ; qu’ils avaient des miroirs de cristal, des télescopes, des microscopes, des thermomètres ? Ne s’est-il pas trouvé des gens qui ont assuré que Salomon, qui ne possédait aucun port de mer, avait envoyé des flottes en Amérique, etc., etc. ?

Un des plus grands détracteurs de nos derniers siècles a été un nommé Dutens[1]. Il a fini par faire un libelle aussi infâme qu’insipide contre les philosophes de nos jours. Ce libelle est intitulé le Tocsin ; mais il a eu beau sonner sa cloche, personne n’est venu à son secours, et il n’a fait que grossir le nombre des Zoïles, qui, ne pouvant rien produire, ont répandu leur venin sur ceux qui ont immortalisé leur patrie et servi le genre humain par leurs productions.


T.
REMARQUES SUR CETTE LETTRE[2].


L’euphonie, qui adoucit toujours le langage et qui l’emporte sur la grammaire, fait que dans la prononciation nous changeons souvent ce t en c. Nous prononçons ambicieux, akcion, parcial ; car lorsque ce t est suivi d’un i et d’une autre voyelle, le son du t paraît un peu trop dur. Les Italiens ont changé de même ce t en z. La même raison nous a insensiblement accoutumés à écrire

  1. Voyez dans les Mélanges, année 1771, la note sur le Tocsin des rois.
  2. Nous avons vu Voltaire rédiger avec ardeur pour l’Encyclopédie de simples articles de grammaire. Au moment de sa mort, il s’occupait avec non moins de zèle du Dictionnaire de l’Académie. Sauf Taxe et Térélas, tous les articles qui suivent, jusqu’à Testicules, sont des échantillons de son travail. (G. A.)