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PIERRE (SAINT).

ce sont là les libertés de l’Église gallicane, si nous en croyons Dumarsais.

Il y a quelques autres peuples qui portent plus loin leur soumission. Nous avons vu de nos jours un souverain[1] demander au pape la permission de faire juger par son tribunal royal des moines accusés de parricide, ne pouvoir obtenir cette permission, et n’oser les juger.

On sait assez qu’autrefois les droits des papes allaient plus loin ; ils étaient fort au-dessus des dieux de l’antiquité, car ces dieux passaient seulement pour disposer des empires, et les papes en disposaient en effet.

Sturbinus dit qu’on peut pardonner à ceux qui doutent de la divinité et de l’infaillibilité du pape, quand on fait réflexion :

Que quarante schismes ont profané la chaire de saint Pierre, et que vingt-sept l’ont ensanglantée ;

Qu’Étienne VII, fils d’un prêtre, déterra le corps de Formose son prédécesseur, et fit trancher la tête à ce cadavre ;

Que Sergius III, convaincu d’assassinats, eut un fils de Marozie, lequel hérita de la papauté ;

Que Jean X, amant de Théodora, fut étranglé dans son lit ;

Que Jean XI, fils de Sergius III, ne fut connu que par sa crapule ;

Que Jean XII fut assassiné chez sa maîtresse ;

Que Benoît IX acheta et revendit le pontificat ;

Que Grégoire VII fut l’auteur de cinq cents ans de guerres civiles soutenues par ses successeurs ;

Qu’enfin parmi tant de papes ambitieux, sanguinaires et débauchés, il y eut un Alexandre VI, dont le nom n’est prononcé qu’avec la même horreur que ceux des Néron et des Caligula.

C’est une preuve, dit-on, de la divinité de leur caractère, qu’elle ait subsisté avec tant de crimes ; mais si les califes avaient eu une conduite encore plus affreuse, ils auraient donc été encore plus divins. C’est ainsi que raisonne Dermius ; on lui a répondu[2]. Mais la meilleure réponse est dans la puissance mitigée que les évêques de Rome exercent aujourd’hui avec sagesse ; dans la longue possession où les empereurs les laissent jouir, parce qu’ils ne peuvent les en dépouiller ; dans le système d’un équilibre général, qui est l’esprit de toutes les cours.

On a prétendu depuis peu qu’il n’y avait que deux peuples

  1. Le roi de Portugal, Joseph II. Voyez le chapitre xxxviii du Précis du Siècle de Louis XV, tome XV.
  2. Fin de l’article en 1764, et même en 1769 ; le reste est de 1774. (B.)