Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome20.djvu/213

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
203
PHILOSOPHE.

Dans leur rage ils prodiguent les impostures, comme dans leur ineptie ils débitent leurs arguments.

Un des plus raides calomniateurs, comme un des plus pauvres argumentants que nous ayons, est un ex-jésuite nommé Paulian, qui a fait imprimer de la théologo-philosopho-rapsodie[1] en la ville d’Avignon, jadis papale, et peut-être un jour papale[2]. Cet homme accuse les auteurs de l’Encyclopédie d’avoir dit :

« Que l’homme n’étant par sa naissance sensible qu’aux plaisirs des sens, ces plaisirs par conséquent sont l’unique objet de ses désirs ;

« Qu’il n’y a en soi ni vice ni vertu, ni bien ni mal moral, ni juste ni injuste ;

« Que les plaisirs des sens produisent toutes les vertus ;

« Que pour être heureux il faut étouffer les remords, etc. »

En quels endroits de l’Encyclopédie, dont on a commencé cinq éditions nouvelles, a-t-il donc vu ces horribles turpitudes ? Il fallait citer. As-tu porté l’insolence de ton orgueil et la démence de ton caractère jusqu’à penser qu’on t’en croirait sur ta parole ? Ces sottises peuvent se trouver chez tes casuistes, ou dans le Portier des Chartreux ; mais certes elles ne se trouvent pas dans les articles de l’Encyclopédie faits par M. Diderot, par M. d’Alembert, par M. le chevalier de Jaucourt, par M. de Voltaire. Tu ne les as vues ni dans les articles de M. le comte de Tressan, ni dans ceux de MM. Blondel, Boucher d’Argis, Marmontel, Venelle, Tronchin, d’Aubenton, d’Argenville, et de tant d’autres qui se sont dévoués généreusement à enrichir le Dictionnaire encyclopédique, et qui ont rendu un service éternel à l’Europe. Nul d’eux n’est assurément coupable des horreurs dont tu les accuses. Il n’y avait que toi et le vinaigrier Abraham Chaumeix le convulsionnaire crucifié qui fussent capables d’une si infâme calomnie.

Tu mêles l’erreur et la vérité, parce que tu ne sais les distinguer ; tu veux faire regarder comme impie cette maxime adoptée par tous les publicistes, que tout homme est libre de se choisir une patrie.

Quoi ! vil prédicateur de l’esclavage, il n’était pas permis à la reine Christine de voyager en France, et de vivre à Rome ? Casimir et Stanislas ne pouvaient finir leurs jours parmi nous ? Il fallait qu’ils mourussent en Pologne, parce qu’ils étaient Polonais ?

  1. Voyez une note de l’article Julien, section iii, tome XIX, page 546.
  2. Voyez Avignon. Cet article a été écrit, au moment (1771) où Louis XV, en possession d’Avignon, allait restituer cette ville au saint-siége.