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IDÉE.

nous viennent par les sens ; mais nous ignorons toujours d’où elles partent. La source de ce Nil ne sera jamais découverte.

S’il est certain que toutes les idées vous sont données par les sens, pourquoi donc la Sorbonne, qui a si longtemps embrassé cette doctrine d’Aristote, l’a-t-elle condamnée avec tant de virulence dans Helvétius ?

C’est que la Sorbonne est composée de théologiens.


SECTION II[1].


TOUT EN DIEU[2].

In Deo vivimus, movemur, et sumus.

(Saint Paul, Actes, ch. xvii, v. 28.)

Tout se meut, tout respire, et tout existe en Dieu.

Aratus, cité et approuvé par saint Paul, fit donc cette confession de foi chez les Grecs.

Le vertueux Caton dit la même chose.

Jupiter est quodcumque vides, quocumque moveris.

(Lucain, Phars., IX, 580.)

Malebranche est le commentateur d’Aratus, de saint Paul, et de Caton. Il réussit d’abord en montrant les erreurs des sens et de l’imagination ; mais quand il voulut développer ce grand système que tout est en Dieu, tous les lecteurs dirent que le commentaire est plus obscur que le texte. Enfin, en creusant cet abîme, la tête lui tourna. Il eut des conversations avec le Verbe, il sut ce que le Verbe a fait dans les autres planètes. Il devint tout à fait fou. Cela doit nous donner de terribles alarmes, à nous autres chétifs qui faisons les entendus.

Pour bien entrer au moins dans la pensée de Malebranche dans le temps qu’il était sage, il faut d’abord n’admettre que ce que nous concevons clairement, et rejeter ce que nous n’entendons pas. N’est-ce pas être imbécile que d’expliquer une obscurité par des obscurités ?



  1. Seconde section dans les Questions sur l’Encyclopédie, septième partie, 1771. (B.)
  2. Cette section est un extrait (fait par l’auteur) du Commentaire sur Malebranche. (K.) — Voyez dans les Mélanges, année 1769, l’opuscule intitulé Tout en Dieu.