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DÉLITS LOCAUX.


Ô homme ! qui oses te dire l’image de Dieu, dis-moi si Dieu mange, et s’il a un boyau rectum.

Toi l’image de Dieu ! et ton cœur et ton esprit dépendent d’une selle !

Toi l’image de Dieu sur ta chaise percée ! Le premier qui dit cette impertinence la proféra-t-il par une extrême bêtise, ou par un extrême orgueil ?

Plus d’un penseur (comme vous le verrez ailleurs) a douté qu’une âme immatérielle et immortelle pût venir, de je ne sais où, se loger pour si peu de temps entre de la matière fécale et de l’urine.

Qu’avons-nous, disent- ils, au-dessus des animaux ? Plus d’idées, plus de mémoire, la parole, et deux mains adroites. Qui nous les a données ? Celui qui donne des ailes aux oiseaux et des écailles aux poissons. Si nous sommes ses créatures, comment pouvons-nous être son image ?

Nous répondons à ces philosophes que nous ne sommes l’image de Dieu que par la pensée. Ils nous répliquent que la pensée est un don de Dieu, qui n’est point du tout sa peinture ; et que nous ne sommes images de Dieu en aucune façon. Nous les laissons dire, et nous les renvoyons à messieurs de Sorbonne.

Plusieurs animaux mangent nos excréments ; et nous mangeons ceux de plusieurs animaux, ceux des grives, des bécasses, des ortolans, des alouettes.

Voyez à l’article Ézéchiel pourquoi le Seigneur lui ordonna de manger de la merde sur son pain, et se borna ensuite à la fiente de vache.

Nous avons connu le trésorier Paparel qui mangeait les déjections des laitières ; mais ce cas est rare, et c’est celui de ne pas disputer des goûts.


DÉLITS LOCAUX[1].


Parcourez toute la terre, vous trouverez que le vol, le meurtre, l’adultère, la calomnie, sont regardés comme des délits que la société condamne et réprime ; mais ce qui est approuvé en Angleterre, et condamné en Italie, doit-il être puni en Italie comme un de ces attentats contre l’humanité entière ? c’est là ce que j’appelle délit local. Ce qui n’est criminel que dans l’enceinte de quelques montagnes, ou entre deux rivières, n’exige-t-il pas des juges plus

  1. Article ajouté dans l’édition de 1767 du Dictionnaire philosophique. (B.)