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CÉSAR.

croire tout Paris quand il me dit une chose moralement et physiquement impossible.

Apparemment que l’auteur de cet article voulait rire, et que l’autre auteur qui s’extasie à la fin de cet article, et écrit contre lui-même, voulait rire aussi[1].

Pour nous, qui n’avons entrepris ce petit Dictionnaire que pour faire des questions, nous sommes bien loin d’avoir de la certitude[2].



CÉSAR[3].


On n’envisage point ici dans César le mari de tant de femmes et la femme de tant d’hommes ; le vainqueur de Pompée et des Scipions ; l’écrivain satirique qui tourne Caton en ridicule ; le voleur du trésor public qui se servit de l’argent des Romains pour asservir les Romains ; le triomphateur clément qui pardonnait aux vaincus ; le savant qui réforma le calendrier ; le tyran et le père de sa patrie, assassiné par ses amis et par son bâtard. Ce n’est qu’en qualité de descendant des pauvres barbares subjugués par lui que je considère cet homme unique.

Vous ne passez point par une seule ville de France, ou d’Espagne, ou des bords du Rhin, ou du rivage d’Angleterre vers Calais, que vous ne trouviez de bonnes gens qui se vantent d’avoir eu César chez eux. Des bourgeois de Douvres sont persuadés que César a bâti leur château ; et des bourgeois de Paris croient que le grand Châtelet est un de ses beaux ouvrages. Plus d’un seigneur de paroisse en France montre une vieille tour qui lui sert de colombier, et dit que c’est César qui a pourvu au logement de ses pigeons. Chaque province dispute à sa voisine l’honneur d’être la première en date à qui César donna les étrivières : c’est par ce chemin, non, c’est par cet autre qu’il passa pour venir nous égorger, et pour caresser nos femmes et nos filles, pour nous imposer des lois par interprètes, et pour nous prendre le très-peu d’argent que nous avions.

Les Indiens sont plus sages : nous avons vu[4] qu’ils savent

  1. Voyez l’article Certitude du Dictionnaire encyclopédique. (Note de Voltaire.)
  2. C’est au mot Certitude, dans l’Encyclopédie, que se trouve la phrase sur le maréchal de Saxe. Le dernier alinéa de cet article n’était pas dans l’édition de 1764 du Dictionnaire philosophique. Il fut ajouté en 1770 dans les Questions sur l’Encyclopédie. Voyez ci-après l’article Histoire, troisième section. (B.)
  3. Questions sur l’Encyclopédie, troisième partie, 1770. (B.)
  4. Article Alexandre, page 109 du volume précédent.