Dictionnaire philosophique/Garnier (1878)/Histoire

Éd. Garnier - Tome 19
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HISTOIRE.
SECTION PREMIÈRE[1].
DÉFINITION.

L’histoire est le récit des faits donnés pour vrais, au contraire de la fable, qui est le récit des faits donnés pour faux.

Il y a l’histoire des opinions, qui n’est guère que le recueil des erreurs humaines.

L’histoire des arts peut être la plus utile de toutes, quand elle joint à la connaissance de l’invention et du progrès des arts la description de leur mécanisme.

L’histoire naturelle, improprement dite histoire, est une partie essentielle de la physique. On a divisé l’histoire des événements en sacrée et profane ; l’histoire sacrée est une suite des opérations divines et miraculeuses par lesquelles il a plu à Dieu de conduire autrefois la nation juive, et d’exercer aujourd’hui notre foi.

Si j’apprenais l’hébreu, les sciences, l’histoire,
Tout cela, c’est la mer à boire.

(La Fontaine, liv. VIII, fab. xxv.)
PREMIERS FONDEMENTS DE L’HISTOIRE.

Les premiers fondements de toute histoire sont les récits des pères aux enfants, transmis ensuite d’une génération à une autre ; ils ne sont tout au plus que probables dans leur origine, quand ils ne choquent point le sens commun, et ils perdent un degré de probabilité à chaque génération. Avec le temps la fable se grossit, et la vérité se perd : de là vient que toutes les origines des peuples sont absurdes. Ainsi les Égyptiens avaient été gouvernés par les dieux pendant beaucoup de siècles ; ils l’avaient été ensuite par des demi-dieux ; enfin ils avaient eu des rois pendant onze mille trois cent quarante ans : et le soleil dans cet espace de temps avait changé quatre fois d’orient et d’occident.

Les Phéniciens du temps d’Alexandre prétendaient être établis dans leur pays depuis trente mille ans ; et ces trente mille ans étaient remplis d’autant de prodiges que la chronologie égyptienne. J’avoue qu’il est physiquement très-possible que la Phénicie ait existé non-seulement trente mille ans, mais trente mille milliards de siècles, et qu’elle ait éprouvé, ainsi que le reste du globe, trente millions de révolutions. Mais nous n’en avons pas de connaissance.

On sait quel merveilleux ridicule règne dans l’ancienne histoire des Grecs.

Les Romains, tout sérieux qu’ils étaient, n’ont pas moins enveloppé de fables l’histoire de leurs premiers siècles. Ce peuple, si récent en comparaison des nations asiatiques, a été cinq cents années sans historiens. Ainsi il n’est pas surprenant que Romulus ait été le fils de Mars, qu’une louve ait été sa nourrice, qu’il ait marché avec mille hommes de son village de Rome contre vingt-cinq mille combattants du village des Sabins ; qu’ensuite il soit devenu dieu ; que Tarquin l’Ancien ait coupé une pierre avec un rasoir, et qu’une vestale ait tiré à terre un vaisseau avec sa ceinture, etc.

Les premières annales de toutes nos nations modernes ne sont pas moins fabuleuses. Les choses prodigieuses et improbables doivent être quelquefois rapportées, mais comme des preuves de la crédulité humaine : elles entrent dans l’histoire des opinions et des sottises ; mais le champ est trop immense.

DES MONUMENTS.

Pour connaître avec un peu de certitude quelque chose de l’histoire ancienne, il n’est qu’un seul moyen, c’est de voir s’il reste quelques monuments incontestables. Nous n’en avons que trois par écrit :

Le premier est le recueil des observations astronomiques faites pendant dix-neuf cents ans de suite à Babylone, envoyées par Alexandre en Grèce. Cette suite d’observations, qui remonte à deux mille deux cent trente-quatre ans avant notre ère vulgaire, prouve invinciblement que les Babyloniens existaient en corps de peuple plusieurs siècles auparavant : car les arts ne sont que l’ouvrage du temps, et la paresse naturelle aux hommes les laisse des milliers d’années sans autres connaissances et sans autres talents que ceux de se nourrir, de se défendre des injures de l’air, et de s’égorger. Qu’on en juge par les Germains et par les Anglais du temps de César, par les Tartares d’aujourd’hui, par les deux tiers de l’Afrique, et par tous les peuples que nous avons trouvés dans l’Amérique, en exceptant à quelques égards les royaumes du Pérou et du Mexique, et la république de Tlascala. Qu’on se souvienne que dans tout ce nouveau monde personne ne savait ni lire ni écrire.

Le second monument est l’éclipse centrale du soleil calculée à la Chine deux mille cent cinquante-cinq ans avant notre ère vulgaire, et reconnue véritable par tous nos astronomes. Il faut dire des Chinois la même chose que des peuples de Babylone : ils composaient déjà sans doute un vaste empire policé. Mais ce qui met les Chinois au-dessus de tous les peuples de la terre, c’est que ni leurs lois, ni leurs mœurs, ni la langue que parlent chez eux les lettrés, n’ont changé depuis environ quatre mille ans. Cependant cette nation et celle de l’Inde, les plus anciennes de toutes celles qui subsistent aujourd’hui, celles qui possèdent le plus vaste et le plus beau pays, celles qui ont inventé presque tous les arts avant que nous en eussions appris quelques-uns, ont toujours été omises jusqu’à nos jours dans nos prétendues histoires universelles. Et quand un Espagnol et un Français faisaient le dénombrement des nations, ni l’un ni l’autre ne manquait d’appeler son pays la première monarchie du monde, et son roi le plus grand roi du monde, se flattant que son roi lui donnerait une pension dès qu’il aurait lu son livre.

Le troisième monument, fort inférieur aux deux autres, subsiste dans les marbres d’Arundel : la chronique d’Athènes y est gravée deux cent soixante-trois ans avant notre ère ; mais elle ne remonte que jusqu’à Cécrops, treize cent dix-neuf ans au delà du temps où elle fut gravée. Voilà dans l’histoire de toute l’antiquité les seules époques incontestables que nous ayons.

Faisons une sérieuse attention à ces marbres rapportés de Grèce par le lord Arundel. Leur chronique commence quinze cent quatre-vingt-deux ans avant notre ère. C’est aujourd’hui[2] une antiquité de 3353 ans, et vous n’y voyez pas un seul fait qui tienne du miraculeux, du prodigieux. Il en est de même des olympiades ; ce n’est pas là qu’on doit dire Græcia mendax, la menteuse Grèce[3]. Les Grecs savaient très-bien distinguer l’histoire de la fable, et les faits réels des contes d’Hérodote : ainsi que dans leurs affaires sérieuses, leurs orateurs n’empruntaient rien des discours des sophistes ni des images des poëtes.

La date de la prise de Troie est spécifiée dans ces marbres ; mais il n’y est parlé ni des flèches d’Apollon, ni du sacrifice d’Iphigénie, ni des combats ridicules des dieux. La date des inventions de Triptolème et de Cérès s’y trouve ; mais Cérès n’y est pas appelée déesse. On y fait mention d’un poëme sur l’enlèvement de Proserpine ; il n’y est point dit qu’elle soit fille de Jupiter et d’une déesse, et qu’elle soit femme du dieu des enfers.

Hercule est initié aux mystères d’Éleusine ; mais pas un mot sur ses douze travaux, ni sur son passage en Afrique dans sa tasse, ni sur sa divinité[4], ni sur le gros poisson par lequel il fut avalé, et qui le garda dans son ventre trois jours et trois nuits, selon Lycophron.

Chez nous, au contraire, un étendard est apporté du ciel par un ange aux moines de Saint-Denis ; un pigeon apporte une bouteille d’huile dans une église de Reims ; deux armées de serpents se livrent une bataille rangée en Allemagne ; un archevêque de Mayence est assiégé et mangé par des rats ; et, pour comble, on a grand soin de marquer l’année de ces aventures. Et l’abbé Lenglet compile, compile ces impertinences ; et les almanachs les ont cent fois répétées ; et c’est ainsi qu’on a instruit la jeunesse ; et toutes ces fadaises sont entrées dans l’éducation des princes[5].

Toute histoire est récente. Il n’est pas étonnant qu’on n’ait point d’histoire ancienne profane au delà d’environ quatre mille années. Les révolutions de ce globe, la longue et universelle ignorance de cet art qui transmet les faits par l’écriture, en sont cause. Il reste encore plusieurs peuples qui n’en ont aucun usage. Cet art ne fut commun que chez un très-petit nombre de nations policées ; et même était-il en très-peu de mains. Rien de plus rare chez les Français et chez les Germains que de savoir écrire ; jusqu’au xive siècle de notre ère vulgaire, presque tous les actes n’étaient attestés que par témoins. Ce ne fut, en France, que sous Charles VII, en 1454, que l’on commença à rédiger par écrit quelques coutumes de France. L’art d’écrire était encore plus rare chez les Espagnols, et de là vient que leur histoire est si sèche et si incertaine jusqu’au temps de Ferdinand et d’Isabelle. On voit par là combien le très-petit nombre d’hommes qui savaient écrire pouvaient en imposer, et combien il a été facile de nous faire croire les plus énormes absurdités.

Il y a des nations qui ont subjugué une partie de la terre sans avoir l’usage des caractères. Nous savons que Gengis-kan conquit une partie de l’Asie au commencement du xiiie siècle ; mais ce n’est ni par lui ni par les Tartares que nous le savons. Leur histoire, écrite par les Chinois et traduite par le P. Gaubil, dit que ces Tartares n’avaient point alors l’art d’écrire.

Cet art ne dut pas être moins inconnu au Scythe Oguskan, nommé Madiès par les Persans et par les Grecs, qui conquit une partie de l’Europe et de l’Asie si longtemps avant le règne de Cyrus. Il est presque sûr qu’alors sur cent nations il y en avait à peine deux ou trois qui employassent des caractères. Il se peut que, dans un ancien monde détruit, les hommes aient connu l’écriture et les autres arts ; mais dans le nôtre ils sont tous très-récents.

Il reste des monuments d’une autre espèce, qui servent à constater seulement l’antiquité reculée de certains peuples, et qui précèdent toutes les époques connues et tous les livres ; ce sont les prodiges d’architecture, comme les pyramides et les palais d’Égypte, qui ont résisté au temps. Hérodote, qui vivait il y a deux mille deux cents ans, et qui les avait vus, n’avait pu apprendre des prêtres égyptiens dans quel temps on les avait élevés.

Il est difficile de donner à la plus ancienne des pyramides moins de quatre mille ans d’antiquité ; mais il faut considérer que ces efforts de l’ostentation des rois n’ont pu être commencés que longtemps après l’établissement des villes. Mais pour bâtir des villes dans un pays inondé tous les ans, remarquons toujours qu’il avait fallu d’abord relever le terrain des villes sur des pilotis dans ce terrain de vase, et les rendre inaccessibles à l’inondation ; il avait fallu, avant de prendre ce parti nécessaire, et avant d’être en état de tenter ces grands travaux, que les peuples se fussent pratiqué des retraites, pendant la crue du Nil, au milieu des rochers qui forment deux chaînes à droite et à gauche de ce fleuve. Il avait fallu que ces peuples rassemblés eussent les instruments du labourage, ceux de l’architecture, une connaissance de l’arpentage, avec des lois et une police. Tout cela demande nécessairement un espace de temps prodigieux. Nous voyons, par les longs détails qui regardent tous les jours nos entreprises les plus nécessaires et les plus petites, combien il est difficile de faire de grandes choses, et qu’il faut non-seulement une opiniâtreté infatigable, mais plusieurs générations animées de cette opiniâtreté.

Cependant, que ce soit Menès, Thaut ou Chéops, ou Ramessès, qui aient élevé une ou deux de ces prodigieuses masses, nous n’en serons pas plus instruits de l’histoire de l’ancienne Égypte : la langue de ce peuple est perdue. Nous ne savons donc autre chose, sinon qu’avant les plus anciens historiens il y avait de quoi faire une histoire ancienne[6].

SECTION II[7].

Comme nous avons déjà vingt mille ouvrages, la plupart en plusieurs volumes, sur la seule histoire de France[8], et qu’un homme studieux qui vivrait cent ans n’aurait pas le temps de les lire, je crois qu’il est bon de savoir se borner. Nous sommes obligés de joindre à la connaissance de notre pays celle de l’histoire de nos voisins. Il nous est encore moins permis d’ignorer les grandes actions des Grecs et des Romains, et leurs lois, qui sont encore en grande partie les nôtres. Mais si à cette étude nous voulions ajouter celle d’une antiquité plus reculée, nous ressemblerions alors à un homme qui quitterait Tacite et Tite-Live pour étudier sérieusement les Mille et une Nuits. Toutes les origines des peuples sont visiblement des fables ; la raison en est que les hommes ont dû vivre longtemps en corps de peuples, et apprendre à faire du pain et des habits (ce qui était difficile), avant d’apprendre à transmettre toutes leurs pensées à la postérité (ce qui était plus difficile encore). L’art d’écrire n’a pas certainement plus de six mille ans chez les Chinois ; et, quoi qu’en aient dit les Chaldéens et les Égyptiens, il n’y a guère d’apparence qu’ils aient su plus tôt écrire et lire couramment.

L’histoire des temps antérieurs ne put donc être transmise que de mémoire ; et on sait assez combien le souvenir des choses passées s’altère de génération en génération. C’est l’imagination seule qui a écrit les premières histoires. Non-seulement chaque peuple inventa son origine, mais il inventa aussi l’origine du monde entier.

Si l’on en croit Sanchoniathon , les choses commencèrent d’abord par un air épais que le vent raréfia ; le désir et l’amour en naquirent, et de l’union du désir et de l’amour furent formés les animaux. Les astres ne vinrent qu’ensuite, mais seulement pour orner le ciel, et pour réjouir la vue des animaux qui étaient sur la terre.

Le Knef des Égyptiens, leur Oshireth et leur Isheth, que nous nommons Osiris et Isis, ne sont guère moins ingénieux et moins ridicules. Les Grecs embellirent toutes ces fictions ; Ovide les recueillit et les orna des charmes de la plus belle poésie. Ce qu’il dit d’un dieu qui débrouille le chaos, et de la formation de l’homme, est sublime :

Sanctius his animal mentisque capacius altæ
Deerat adhuc, et quod dominari in cætera posset,
Natus homo est. . . .

(Met., I, 76-78.)

Pronaque cum spectent animalia cætera terram,
Os homini sublime dedit, cœlumque tueri
Jussit, et erectos ad sidera tollere vultus.

(Met., I, 84-86.)

Il s’en faut bien qu’Hésiode et les autres qui écrivirent si longtemps auparavant se soient exprimés avec cette sublimité élégante. Mais, depuis ce beau moment où l’homme fut formé jusqu’au temps des olympiades, tout est plongé dans une obscurité profonde.

Hérodote arrive aux jeux olympiques, et fait des contes aux Grecs assemblés, comme une vieille à des enfants. Il commence par dire que les Phéniciens naviguèrent de la mer Rouge dans la Méditerranée, ce qui suppose que ces Phéniciens avaient doublé notre cap de Bonne-Espérance, et fait le tour de l’Afrique.

Ensuite vient l’enlèvement d’Io, puis la fable de Gygès et de Candaule, puis de belles histoires de voleurs, et celle de la fille du roi d’Égypte Chéops, qui, ayant exigé une pierre de taille de chacun de ses amants, en eut assez pour bâtir une des plus belles pyramides.

Joignez à cela des oracles, des prodiges, des tours de prêtres, et vous avez l’histoire du genre humain.

Les premiers temps de l’histoire romaine semblent écrits par des Hérodotes ; nos vainqueurs et nos législateurs ne savaient compter leurs années qu’en fichant des clous dans une muraille par la main de leur grand pontife.

Le grand Romulus, roi d’un village, est fils du dieu Mars et d’une religieuse qui allait chercher de l’eau dans sa cruche. Il a un dieu pour père, une catin pour mère, et une louve pour nourrice. Un bouclier tombe du ciel exprès pour Numa. On trouve les beaux livres des sibylles. Un augure coupe un gros caillou avec un rasoir par la permission des dieux. Une vestale met à flot un gros vaisseau engravé, en le tirant avec sa ceinture. Castor et Pollux viennent combattre pour les Romains, et la trace des pieds de leurs chevaux reste imprimée sur la pierre. Les Gaulois ultramontains viennent saccager Rome : les uns disent qu’ils furent chassés par des oies, les autres qu’ils remportèrent beaucoup d’or et d’argent ; mais il est probable que dans ces temps-là, en Italie, il y avait beaucoup moins d’argent que d’oies. Nous avons imité les premiers historiens romains, au moins dans leur goût pour les fables. Nous avons notre oriflamme apportée par un ange, la sainte ampoule par un pigeon ; et quand nous joignons à cela le manteau de saint Martin, nous sommes bien forts.

Quelle serait l’histoire utile ? Celle qui nous apprendrait nos devoirs et nos droits, sans paraître prétendre à nous les enseigner.

On demande souvent si la fable du sacrifice d’Iphigénie est prise de l’histoire de Jephté, si le déluge de Deucalion est inventé en imitation de celui de Noé, si l’aventure de Philémon et de Baucis est d’après celle de Loth et de sa femme. Les Juifs avouent qu’ils ne communiquaient point avec les étrangers, que leurs livres ne furent connus des Grecs qu’après la traduction faite par ordre d’un Ptolémée ; mais les Juifs furent longtemps auparavant courtiers et usuriers chez les Grecs d’Alexandrie. Jamais les Grecs n’allèrent vendre de vieux habits à Jérusalem. Il paraît qu’aucun peuple n’imita les Juifs, et que ceux-ci prirent beaucoup de choses des Babyloniens, des Égyptiens, et des Grecs.

Toutes les antiquités judaïques sont sacrées pour nous, malgré notre haine et notre mépris pour ce peuple. Nous ne pouvons à la vérité les croire par la raison ; mais nous nous soumettons aux Juifs par la foi. Il y a environ quatre-vingts systèmes sur leur chronologie, et beaucoup plus de manières d’expliquer les événements de leur histoire : nous ne savons pas quelle est la véritable ; mais nous lui réservons notre foi pour le temps où elle sera découverte.

Nous avons tant de choses à croire de ce savant et magnanime peuple, que toute notre croyance en est épuisée, et qu’il ne nous en reste plus pour les prodiges dont l’histoire des autres nations est pleine. Rollin a beau nous répéter les oracles d’Apollon et les merveilles de Sémiramis ; il a beau transcrire tout ce qu’on a dit de la justice de ces anciens Scythes qui pillèrent si souvent l’Asie, et qui mangeaient des hommes dans l’occasion, il trouve un peu d’incrédulité chez les honnêtes gens.

Ce que j’admire le plus dans nos compilateurs modernes, c’est la sagesse et la bonne foi avec laquelle ils nous prouvent que tout ce qui arriva autrefois dans les plus grands empires du monde n’arriva que pour instruire les habitants de la Palestine. Si les rois de Babylone, dans leurs conquêtes, tombent en passant sur le peuple hébreu, c’est uniquement pour corriger ce peuple de ses péchés. Si le roi qu’on a nommé Cyrus se rend maître de Babylone, c’est pour donner à quelques Juifs la permission d’aller chez eux. Si Alexandre est vainqueur de Darius, c’est pour établir des fripiers juifs dans Alexandrie. Quand les Romains joignent la Syrie à leur vaste domination, et englobent le petit pays de la Judée dans leur empire, c’est encore pour instruire les Juifs ; les Arabes et les Turcs ne sont venus que pour corriger ce peuple aimable. Il faut avouer qu’il a eu une excellente éducation ; jamais on n’eut tant de précepteurs : et voilà comme l’histoire est utile.

Mais ce que nous avons de plus instructif, c’est la justice exacte que les clercs ont rendue à tous les princes dont ils n’étaient pas contents. Voyez avec quelle candeur impartiale saint Grégoire de Nazianze juge l’empereur Julien le philosophe : il déclare que ce prince, qui ne croyait point au diable, avait un commerce secret avec le diable, et qu’un jour que les démons lui apparurent tout enflammés sous des figures trop hideuses, il les chassa en faisant par inadvertance des signes de croix.

Il l’appelle un furieux, un misérable ; il assure que Julien immolait de jeunes garçons et de jeunes filles toutes les nuits dans des caves. C’est ainsi qu’il parle du plus clément des hommes, qui ne s’était jamais vengé des invectives que ce même Grégoire proféra contre lui pendant son règne.

Une méthode heureuse de justifier les calomnies dont on accable un innocent, c’est de faire l’apologie d’un coupable. Par là tout est compensé ; et c’est la manière qu’emploie le même saint de Nazianze. L’empereur Constance, oncle et prédécesseur de Julien, à son avènement à l’empire avait massacré Julius, frère de sa mère, et ses deux fils, tous trois déclarés augustes : c’était une méthode qu’il tenait de son père le grand Constantin ; il fit ensuite assassiner Gallus, frère de Julien. Cette cruauté qu’il exerça contre sa famille, il la signala contre l’empire ; mais il était dévot, et même, dans la bataille décisive qu’il donna contre Magnence, il pria Dieu dans une église pendant tout le temps que les armées furent aux mains. Voilà l’homme dont Grégoire fait le panégyrique. Si les saints nous font connaître ainsi la vérité, que ne doit-on point attendre des profanes, surtout quand ils sont ignorants, superstitieux, et passionnés ?

On fait quelquefois aujourd’hui un usage un peu bizarre de l’étude de l’histoire. On déterre des chartes du temps de Dagobert, la plupart suspectes et mal entendues, et on en infère que des coutumes, des droits, des prérogatives, qui subsistaient alors, doivent revivre aujourd’hui. Je conseille à ceux qui étudient et qui raisonnent ainsi de dire à la mer : Tu as été autrefois à Aigues-Mortes, à Fréjus, à Ravenne, à Ferrare ; retournes-y tout à l’heure.


SECTION III[9].
de l’utilité de l’histoire.

Cet avantage consiste surtout dans la comparaison qu’un homme d’État, un citoyen peut faire des lois et des mœurs étrangères avec celles de son pays : c’est ce qui excite l’émulation des nations modernes dans les arts, dans l’agriculture, dans le commerce.

Les grandes fautes passées servent beaucoup en tout genre ; on ne saurait trop remettre devant les yeux les crimes et les malheurs. On peut, quoi qu’on en dise, prévenir les uns et les autres ; l’histoire du tyran Christiern peut empêcher une nation de confier le pouvoir absolu à un tyran ; et le désastre de Charles XII devant Pultava avertit un général de ne pas s’enfoncer dans l’Ukraine sans avoir des vivres.

C’est pour avoir lu les détails des batailles de Crécy, de Poitiers, d’Azincourt, de Saint-Quentin, de Gravelines, etc., que le célèbre maréchal de Saxe se déterminait à chercher, autant qu’il pouvait, des affaires de poste.

Les exemples font un grand effet sur l’esprit d’un prince qui lit avec attention. Il verra que Henri IV n’entreprit sa grande guerre, qui devait changer le système de l’Europe, qu’après s’être assuré du nerf de la guerre pour la pouvoir soutenir plusieurs années sans aucun nouveau secours de finances.

Il verra que la reine Élisabeth, par les seules ressources du commerce et d’une sage économie, résista au puissant Philippe II, et que de cent vaisseaux qu’elle mit en mer contre la flotte invincible, les trois quarts étaient fournis par les villes commerçantes d’Angleterre.

La France non entamée sous Louis XIV, après neuf ans de la guerre la plus malheureuse, montrera évidemment l’utilité des places frontières qu’il construisit. En vain l’auteur des causes de la chute de l’empire romain[10] blâme-t-il Justinien d’avoir eu la même politique ; il ne devait blâmer que les empereurs qui négligèrent ces places frontières, et qui ouvrirent les portes de l’empire aux barbares.

Un avantage que l’histoire moderne a sur l’ancienne est d’apprendre à tous les potentats que depuis le xve siècle on s’est toujours réuni contre une puissance trop prépondérante. Ce système d’équilibre a toujours été inconnu des anciens, et c’est la raison des succès du peuple romain, qui, ayant formé une milice supérieure à celle des autres peuples, les subjugua l’un après l’autre, du Tibre jusqu’à l’Euphrate.

[11]Il est nécessaire de remettre souvent sous les yeux les usurpations des papes, les scandaleuses discordes de leurs schismes, la démence des disputes de controverse, les persécutions, les guerres enfantées par cette démence, et les horreurs qu’elles ont produites.

Si on ne rendait pas cette connaissance familière aux jeunes gens, s’il n’y avait qu’un petit nombre de savants instruits de ces faits, le public serait aussi imbécile qu’il l’était du temps de Grégoire VII. Les calamités de ces temps d’ignorance renaîtraient infailliblement, parce qu’on ne prendrait aucune précaution pour les prévenir. Tout le monde sait à Marseille par quelle inadvertance la peste fut apportée du Levant[12], et on s’en préserve.

Anéantissez l’étude de l’histoire, vous verrez peut-être des Saint-Barthélemy en France, et des Cromwell en Angleterre.

CERTITUDE DE L’HISTOIRE.

Toute certitude qui n’est pas démonstration mathématique n’est qu’une extrême probabilité : il n’y a pas d’autre certitude historique.

Quand Marc-Paul parla le premier, mais le seul, de la grandeur et de la population de la Chine, il ne fut pas cru, et il ne put exiger de croyance. Les Portugais qui entrèrent dans ce vaste empire plusieurs siècles après commencèrent à rendre la chose probable. Elle est aujourd’hui certaine, de cette certitude qui naît de la déposition unanime de mille témoins oculaires de différentes nations, sans que personne ait réclamé contre leur témoignage.

Si deux ou trois historiens seulement avaient écrit l’aventure du roi Charles XII, qui, s’obstinant à rester dans les États du sultan son bienfaiteur, malgré lui, se battit avec ses domestiques contre une armée de janissaires et de Tartares, j’aurais suspendu mon jugement ; mais ayant parlé à plusieurs témoins oculaires, et n’ayant jamais entendu révoquer cette action en doute, il a bien fallu la croire ; parce qu’après tout, si elle n’est ni sage ni ordinaire, elle n’est contraire ni aux lois de la nature ni au caractère du héros[13].

Ce qui répugne au cours ordinaire de la nature ne doit point être cru, à moins qu’il ne soit attesté par des hommes animés visiblement de l’esprit divin, et qu’il soit impossible de douter de leur inspiration. Voilà pourquoi, à l’article Certitude du Dictionnaire encyclopédique, c’est un grand paradoxe de dire qu’on devrait croire aussi bien tout Paris qui affirmerait avoir vu ressusciter un mort, qu’on croit tout Paris quand il dit qu’on a gagné la bataille de Fontenoy. Il paraît évident que le témoignage de tout Paris sur une chose improbable ne saurait être égal au témoignage de tout Paris sur une chose probable. Ce sont là les premières notions de la saine logique. Un tel dictionnaire ne devait être consacré qu’à la vérité[14].

INCERTITUDE DE L’HISTOIRE.

On distingue les temps en fabuleux et historiques. Mais les historiques auraient dû être distingués eux-mêmes en vérités et en fables. Je ne parle pas ici de fables reconnues aujourd’hui pour telles : il n’est pas question, par exemple, des prodiges dont Tite-Live a embelli ou gâté son histoire ; mais, dans les faits les plus reçus, que de raisons de douter !

Qu’on fasse attention que la république romaine a été cinq cents ans sans historiens ; que Tite-Live lui-même déplore la perte des autres monuments qui périrent presque tous dans l’incendie de Rome, pleraque interiere ; qu’on songe que dans les trois cents premières années l’art d’écrire était très-rare, raræ per eadem tempora litteræ ; il sera permis alors de douter de tous les événements qui ne sont pas dans l’ordre ordinaire des choses humaines.

Sera-t-il bien probable que Romulus, le petit-fils du roi des Sabins, aura été forcé d’enlever des Sabines pour avoir des femmes ? L’histoire de Lucrèce sera-t-elle bien vraisemblable ? Croira-t-on aisément, sur la foi de Tite-Live, que le roi Porsenna s’enfuit plein d’admiration pour les Romains, parce qu’un fanatique avait vouIu l’assassiner ? Ne sera-t-on pas porté, au contraire, à croire Polybe, qui était antérieur à Tite-Live de deux cents années ? Polybe dit que Porsenna subjugua les Romains : cela est bien plus probable que l’aventure de Scévola, qui se brûla entièrement la main parce qu’elle s’était méprise. J’aurais défié Poltrot d’en faire autant.

L’aventure de Régulus, enfermé par les Carthaginois dans un tonneau garni de pointes de fer, mérite-t-elle qu’on la croie ? Polybe, contemporain, n’en aurait-il pas parlé si elle avait été vraie ? Il n’en dit pas un mot : n’est-ce pas une grande présomption que ce conte ne fut inventé que longtemps après pour rendre les Carthaginois odieux ?

Ouvrez le Dictionnaire de Moréri, à l’article Régulus ; il vous assure que le supplice de ce Romain est rapporté dans Tite-Live : cependant la décade où Tite-Live aurait pu en parler est perdue ; on n’a que le supplément de Freinshemius ; et il se trouve que ce dictionnaire n’a cité qu’un Allemand du xviie siècle, croyant citer un Romain du temps d’Auguste. On ferait des volumes immenses de tous les faits célèbres et reçus dont il faut douter. Mais les bornes de cet article ne permettent pas de s’étendre.


LES TEMPLES, LES FÊTES, LES CÉRÉMONIES ANNUELLES, LES MÉDAILLES MÊME, SONT-ELLES DES PREUVES HISTORIQUES ?

On est naturellement porté à croire qu’un monument érigé par une nation pour célébrer un événement en atteste la certitude : cependant, si ces monuments n’ont pas été élevés par des contemporains, s’ils célèbrent quelques faits peu vraisemblables, prouvent-ils autre chose sinon qu’on a voulu consacrer une opinion populaire ?

La colonne rostrale érigée dans Rome par les contemporains de Duillius est sans doute une preuve de la victoire navale de Duillius ; mais la statue de l’augure Nœvius, qui coupait un caillou avec un rasoir, prouvait-elle que Nœvius avait opéré ce prodige ? Les statues de Cérès et de Triptolème, dans Athènes, étaient-elles des témoignages incontestables que Cérès était descendue de je ne sais quelle planète pour venir enseigner l’agriculture aux Athéniens ? Le fameux Laocoon, qui subsiste aujourd’hui si entier, atteste-t-il bien la vérité de l’histoire du cheval de Troie ?

Les cérémonies, les fêtes annuelles établies par toute une nation, ne constatent pas mieux l’origine à laquelle on les attribue. La fête d’Arion porté sur un dauphin se célébrait chez les Romains comme chez les Grecs. Celle de Faune rappelait son aventure avec Hercule et Omphale, quand ce dieu, amoureux d’Omphale, prit le lit d’Hercule pour celui de sa maîtresse.

La fameuse fête des lupercales était établie en l’honneur de la louve qui allaita Romulus et Rémus.

Sur quoi était fondée la fête d’Orion, célébrée le cinq des ides de mai ? Le voici. Hyrée reçut chez lui Jupiter, Neptune et Mercure ; et quand ses hôtes prirent congé, ce bonhomme, qui n’avait point de femme et qui voulait avoir un enfant, témoigna sa douleur aux trois dieux. On n’ose exprimer ce qu’ils firent sur la peau du bœuf qu’Hyrée leur avait servi à manger ; ils couvrirent ensuite cette peau d’un peu de terre : de là naquit Orion au bout de neuf mois.

Presque toutes les fêtes romaines, syriennes, grecques, égyptiennes, étaient fondées sur de pareils contes, ainsi que les temples et les statues des anciens héros : c’étaient des monuments que la crédulité consacrait à l’erreur.

[15]Un de nos plus anciens monuments est la statue de saint Denis portant sa tête dans ses bras.

Une médaille, même contemporaine, n’est pas quelquefois une preuve. Combien la flatterie n’a-t-elle pas frappé de médailles sur des batailles très-indécises, qualifiées de victoires, et sur des entreprises manquées, qui n’ont été achevées que dans la légende ? N’a-t-on pas en dernier lieu, pendant la guerre de 1740 des Anglais contre le roi d’Espagne, frappé une médaille qui attestait la prise de Carthagène par l’amiral Vernon, tandis que cet amiral levait le siége ?

Les médailles ne sont des témoignages irréprochables que lorsque l’événement est attesté par des auteurs contemporains[16] ; alors ces preuves, se soutenant l’une par l’autre, constatent la vérité[17].


DOIT-ON DANS L’HISTOIRE INSÉRER DES HARANGUES, ET FAIRE DES PORTRAITS ?

Si dans une occasion importante un général d’armée, un homme d’État a parlé d’une manière singulière et forte, qui caractérise son génie et celui de son siècle, il faut sans doute rapporter son discours mot pour mot : de telles harangues sont peut-être la partie de l’histoire la plus utile. Mais pourquoi faire dire à un homme ce qu’il n’a pas dit ? Il vaudrait presque autant lui attribuer ce qu’il n’a pas fait. C’est une fiction imitée d’Homère ; mais ce qui est fiction dans un poëme devient à la rigueur mensonge dans un historien. Plusieurs anciens ont eu cette méthode ; cela ne prouve autre chose sinon que plusieurs anciens ont voulu faire parade de leur éloquence aux dépens de la vérité.

DES PORTRAITS.

Les portraits montrent encore bien souvent plus d’envie de briller que d’instruire. Des contemporains sont en droit de faire le portrait des hommes d’État avec lesquels ils ont négocié, des généraux sous qui ils ont fait la guerre. Mais qu’il est à craindre que le pinceau ne soit guidé par la passion ! Il paraît que les portraits qu’on trouve dans Clarendon sont faits avec plus d’impartialité, de gravité et de sagesse, que ceux qu’on lit avec plaisir dans le cardinal de Retz.

Mais vouloir peindre les anciens, s’efforcer de développer leurs âmes, regarder les événements comme des caractères avec lesquels on peut lire sûrement dans le fond des cœurs : c’est une entreprise bien délicate, c’est dans plusieurs une puérilité.


DE LA MAXIME DE CICÉRON CONCERNANT L’HISTOIRE : QUE l’HISTORIEN N’OSE DIRE UNE FAUSSETÉ NI CACHER UNE VÉRITÉ[18].

La première partie de ce précepte est incontestable ; il faut examiner l’autre. Si une vérité peut être de quelque utilité à l’État, votre silence est condamnable. Mais je suppose que vous écriviez l’histoire d’un prince qui vous aura confié un secret : devez-vous le révéler ? devez-vous dire à la postérité ce que vous seriez coupable de dire en secret à un seul homme ? Le devoir d’un historien l’emportera-t-il sur un devoir plus grand ?

Je suppose encore que vous ayez été témoin d’une faiblesse qui n’a point influé sur les affaires publiques, devez-vous révéler cette faiblesse ? En ce cas l’histoire serait une satire.

Il faut avouer que la plupart des écrivains d’anecdotes sont plus indiscrets qu’utiles. Mais que dire de ces compilateurs insolents qui, se faisant un mérite de médire, impriment et vendent des scandales comme la Voisin vendait des poisons ?

L’HISTOIRE SATIRIQUE.

Si Plutarque a repris Hérodote de n’avoir pas assez relevé la gloire de quelques villes grecques, et d’avoir omis plusieurs faits connus dignes de mémoire, combien sont plus répréhensibles aujourd’hui ceux qui, sans avoir aucun des mérites d’Hérodote, imputent aux princes, aux nations, des actions odieuses, sans la plus légère apparence de preuve ? La guerre de 1741 a été écrite en Angleterre. On trouve dans cette histoire qu’à la bataille de Fontenoy « les Français tirèrent sur les Anglais avec des balles empoisonnées et des morceaux de verre venimeux, et que le duc de Cumberland envoya au roi de France une boîte pleine de ces prétendus poisons trouvés dans les corps des Anglais blessés ». Le même auteur ajoute que les Français ayant perdu quarante mille hommes à cette bataille, le parlement de Paris rendit un arrêt par lequel il était défendu d’en parler sous des peines corporelles.

Les Mémoires frauduleux[19] imprimés depuis peu sous le nom de Mme  de Maintenon sont remplis de pareilles absurdités. On y trouve qu’au siége de Lille les alliés jetaient des billets dans la ville conçus en ces termes : « Français, consolez-vous ; la Maintenon ne sera pas votre reine. »

Presque chaque page est souillée d’impostures et de termes offensants contre la famille royale et contre les familles principales du royaume, sans alléguer la plus légère vraisemblance qui puisse donner la moindre couleur à ces mensonges. Ce n’est point écrire l’histoire, c’est écrire au hasard des calomnies qui méritent le carcan.

On a imprimé en Hollande, sous le nom d’Histoire, une foule de libelles dont le style est aussi grossier que les injures, et les faits aussi faux qu’ils sont mal écrits. C’est, dit-on, un mauvais fruit de l’excellent arbre de la liberté. Mais si les malheureux auteurs de ces inepties ont eu la liberté de tromper les lecteurs, il faut user ici de la liberté de les détromper.

[20]L’appât d’un vil gain, joint à l’insolence des mœurs abjectes, furent les seuls motifs qui engagèrent ce réfugié languedocien protestant, nommé Langlevieux, dit La Beaumelle, à tenter la plus infâme manœuvre qui ait jamais déshonoré la littérature. Il vend pour dix-sept louis d’or au libraire Esslinger de Francfort, en 1753, l’Histoire du siècle de Louis XIV, qui ne lui appartient point[21] ; et, soit pour s’en faire croire le propriétaire, soit pour gagner son argent, il la charge de notes abominables contre Louis XIV, contre son fils, contre le duc de Bourgogne, son petit-fils, qu’il traite sans façon de perfide et de traître envers son grand-père et la France. Il vomit contre le duc d’Orléans régent les calomnies les plus horribles et les plus absurdes ; personne n’est épargné, et cependant il n’a jamais connu personne. Il débite sur les maréchaux de Villars, de Villeroi, sur les ministres, sur les femmes, des historiettes ramassées dans des cabarets ; et il parle des plus grands princes comme de ses justiciables. Il s’exprime en juge des rois : « Donnez-moi, dit-il, un Stuart, et je le fais roi d’Angleterre. »

Cet excès de ridicule dans un inconnu n’a pas été relevé : il eût été sévèrement puni dans un homme dont les paroles auraient eu quelque poids. Mais il faut remarquer que souvent ces ouvrages de ténèbres ont du cours dans l’Europe ; ils se vendent aux foires de Francfort et de Leipsick ; tout le Nord en est inondé. Les étrangers qui ne sont pas instruits croient puiser dans ces libelles les connaissances de l’histoire moderne. Les auteurs allemands ne sont pas toujours en garde contre ces Mémoires, ils s’en servent comme de matériaux : c’est ce qui est arrivé aux Mémoires de Pontis, de Montbrun, de Rochefort, de Vordac ; à tous ces prétendus Testaments politiques des ministres d’État, composés par des faussaires ; à la Dîme royale de Bois-Guillebert, impudemment donnée sous le nom du maréchal de Vauban ; et à tant de compilations d’ana et d’anecdotes.

L’histoire est quelquefois encore plus maltraitée en Angleterre. Comme il y a toujours deux partis assez violents qui s’acharnent l’un contre l’autre jusqu’à ce que le danger commun les réunisse, les écrivains d’une faction condamnent tout ce que les autres approuvent. Le même homme est représenté comme un Caton et comme un Catilina. Comment démêler le vrai entre l’adulation et la satire ? Il n’y a peut-être qu’une règle sûre, c’est de croire le bien qu’un historien de parti ose dire des héros de la faction contraire, et le mal qu’il ose dire des chefs de la sienne dont il n’aura pas à se plaindre.

À l’égard des Mémoires réellement écrits par les personnages intéressés, comme ceux de Clarendon, de Ludlow, de Burnet, en Angleterre ; de La Rochefoucauld, de Retz, en France ; s’ils s’accordent, ils sont vrais ; s’ils se contrarient, doutez.

Pour les ana et les anecdotes, il y en a un sur cent qui peut contenir quelque ombre de vérité.


SECTION IV.
DE LA MÉTHODE, DE LA MANIÈRE D’ÉCRIRE L’HISTOIRE, ET DU STYLE.

On en a tant dit sur cette matière qu’il faut ici en dire très-peu. On sait assez que la méthode et le style de Tite-Live, sa gravité, son éloquence sage, conviennent à la majesté de la république romaine ; que Tacite est plus fait pour peindre des tyrans ; Polybe, pour donner des leçons de la guerre ; Denis d’Halicarnasse, pour développer les antiquités.

Mais en se modelant en général sur ces grands maîtres, on a aujourd’hui un fardeau plus pesant que le leur à soutenir. On exige des historiens modernes plus de détails, des faits plus constatés, des dates précises, des autorités, plus d’attention aux usages, aux lois, aux mœurs, au commerce, à la finance, à l’agriculture, à la population ; il en est de l’histoire comme des mathématiques et de la physique : la carrière s’est prodigieusement accrue. Autant il est aisé de faire un recueil de gazettes, autant il est difficile aujourd’hui d’écrire l’histoire.

[22]Daniel se crut un historien parce qu’il transcrivait des dates et des récits de batailles où l’on n’entend rien. Il devait m’apprendre les droits de la nation, les droits des principaux corps de cette nation, ses lois, ses usages, ses mœurs, et comment ils ont changé. Cette nation est en droit de lui dire : Je vous demande mon histoire encore plus que celle de Louis le Gros et de Louis Hutin. Vous me dites, d’après une vieille chronique écrite au hasard, que Louis VIII étant attaqué d’une maladie mortelle, exténué, languissant, n’en pouvant plus, les médecins ordonnèrent à ce corps cadavéreux de coucher avec une jolie fille pour se refaire, et que le saint roi rejeta bien loin cette vilenie. Ah ! Daniel, vous ne savez donc pas le proverbe italien : donna ignuda manda l’uomo sotto la terra. Vous deviez avoir un peu plus de teinture de l’histoire politique et de l’histoire naturelle[23].

On exige que l’histoire d’un pays étranger ne soit point jetée dans le même moule que celle de votre patrie.

Si vous faites l’histoire de France, vous n’êtes pas obligé de décrire le cours de la Seine et de la Loire ; mais si vous donnez au public les conquêtes des Portugais en Asie, on exige une topographie des pays découverts. On veut que vous meniez votre lecteur par la main le long de l’Afrique et des côtes de la Perse et de l’Inde ; on attend de vous des instructions sur les mœurs, les lois, les usages de ces nations nouvelles pour l’Europe.

Nous avons vingt histoires de l’établissement des Portugais dans les Indes ; mais aucune ne nous a fait connaître les divers gouvernements de ce pays, ses religions, ses antiquités, les brames, les disciples de saint Jean, les guèbres, les banians[24]. On nous a conservé, il est vrai, les lettres de Xavier et de ses successeurs. On nous a donné des histoires de l’Inde, faites à Paris d’après ces missionnaires qui ne savaient pas la langue des brames. On nous répète dans cent écrits que les Indiens adorent le diable. Des aumôniers d’une compagnie de marchands partent dans ce préjugé ; et dès qu’ils voient sur les côtes de Coromandel des figures symboliques, ils ne manquent pas d’écrire que ce sont des portraits du diable, qu’ils sont dans son empire, qu’ils vont le combattre. Ils ne songent pas que c’est nous qui adorons le diable Mammon, et qui lui allons porter nos vœux à six mille lieues de notre patrie pour en obtenir de l’argent.

Pour ceux qui se mettent, dans Paris, aux gages d’un libraire de la rue Saint-Jacques, et à qui l’on commande une histoire du Japon, du Canada, des îles Canaries, sur des Mémoires de quelques capucins, je n’ai rien à leur dire.

C’est assez qu’on sache que la méthode convenable à l’histoire de son pays n’est point propre à décrire les découvertes du nouveau monde ; qu’il ne faut pas écrire sur une petite ville comme sur un grand empire ; qu’on ne doit point faire l’histoire privée d’un prince comme celle de France ou d’Angleterre.

Si vous n’avez autre chose à nous dire, sinon qu’un barbare a succédé à un autre barbare sur les bords de l’Oxus et de l’Iaxarte, en quoi êtes-vous utile au public[25] ?

Ces règles sont assez connues ; mais l’art de bien écrire l’histoire sera toujours très-rare. On sait assez qu’il faut un style grave, pur, varié, agréable. Il en est des lois pour écrire l’histoire comme de celles de tous les arts de l’esprit : beaucoup de préceptes, et peu de grands artistes[26].


SECTION V[27].
HISTOIRE DES ROIS JUIFS, ET DES PARALIPOMÈNES.

Tous les peuples ont écrit leur histoire dès qu’ils ont pu écrire. Les Juifs ont aussi écrit la leur. Avant qu’ils eussent des rois, ils vivaient sous une théocratie ; ils étaient censés gouvernés par Dieu même.

Quand les Juifs voulurent avoir un roi comme les autres peuples leurs voisins, le prophète Samuel, très-intéressé à n’avoir point de roi, leur déclara de la part de Dieu que c’était Dieu lui-même qu’ils rejetaient : ainsi la théocratie finit chez les Juifs lorsque la monarchie commença.

On pourrait donc dire sans blasphémer que l’histoire des rois juifs a été écrite comme celle des autres peuples, et que Dieu n’a pas pris la peine de dicter lui-même l’histoire d’un peuple qu’il ne gouvernait plus.

On n’avance cette opinion qu’avec la plus extrême défiance. Ce qui pourrait la confirmer, c’est que les Paralipomènes contredisent très-souvent le livre des Rois dans la chronologie et dans les faits, comme nos historiens profanes se contredisent quelquefois. De plus, si Dieu a toujours écrit l’histoire des Juifs, il faut donc croire qu’il l’écrit encore : car les Juifs sont toujours son peuple chéri. Ils doivent se convertir un jour, et il paraît qu’alors ils seront aussi en droit de regarder l’histoire de leur dispersion comme sacrée qu’ils sont en droit de dire que Dieu écrivit l’histoire de leurs rois.

On peut encore faire une réflexion : c’est que Dieu ayant été leur seul roi très-longtemps, et ensuite ayant été leur historien, nous devons avoir pour tous les Juifs le respect le plus profond. Il n’y a point de fripier juif qui ne soit infiniment au-dessus de César et d’Alexandre. Comment ne se pas prosterner devant un fripier qui vous prouve que son histoire a été écrite par la Divinité même, tandis que les histoires grecques et romaines ne nous ont été transmises que par des profanes ?

Si le style de l’Histoire des rois et des Paralipomènes est divin, il se peut encore que les actions racontées dans ces histoires ne soient pas divines. David assassine Urie. Isboseth et Miphiboseth sont assassinés. Absalon assassine Ammon ; Joab assassine Absalon ; Salomon assassine Adonias, son frère ; Baasa assassine Nadab ; Zambri assassine Éla ; Amri assassine Zambri ; Achab assassine Naboth ; Jéhu assassine Achab et Joram ; les habitants de Jérusalem assassinent Amasias, fils de Joas ; Sellum, fils de Jabès, assassine Zacharias, fils de Jéroboam ; Manahem assassine Sellum, fils de Jabès ; Phacée, fils de Roméli, assassine Phaceia, fils de Manahem ; Osée, fils d’Éla, assassine Phacée, fils de Roméli. On passe sous silence beaucoup d’autres menus assassinats. Il faut avouer que si le Saint-Esprit a écrit cette histoire, il n’a pas choisi un sujet fort édifiant.


SECTION VI[28].
DES MAUVAISES ACTIONS CONSACRÉES OU EXCUSÉES DANS L’HISTOIRE.

Il n’est que trop ordinaire aux historiens de louer de très-méchants hommes qui ont rendu service à la secte dominante ou à la patrie. Ces éloges sont peut-être d’un citoyen zélé, mais ce zèle outrage le genre humain. Romulus assassine son frère, et on en fait un dieu. Constantin égorge son fils, étouffe sa femme, assassine presque toute sa famille ; on l’a loué dans des conciles, mais l’histoire doit détester ses barbaries. Il est heureux pour nous sans doute que Clovis ait été catholique ; il est heureux pour l’Église anglicane que Henri VIII ait aboli les moines ; mais il faut avouer que Clovis et Henri VIII étaient des monstres de cruauté.

Lorsque le jésuite Berruyer, qui, quoique jésuite, était un sot, s’avisa de paraphraser l’Ancien et le Nouveau Testament en style de ruelle, sans autre intention que de les faire lire, il jeta des fleurs de rhétorique sur le couteau à deux tranchants que le Juif Aod enfonça avec le manche dans le ventre du roi Églon, sur le sabre dont Judith coupa la tête d’Holoferne après s’être prostituée à lui, et sur plusieurs autres actions de ce genre. Le parlement, en respectant la Bible qui rapporte ces histoires, condamna le jésuite qui les louait, et fit brûler l’Ancien et le Nouveau Testament, j’entends celui du jésuite.

Mais comme les jugements des hommes sont toujours différents dans les cas pareils, la même chose arriva à Bayle dans un cas tout contraire : il fut condamné pour n’avoir pas loué toutes les actions de David, roi de la province de Judée. Un nommé Jurieu, prédicant réfugié en Hollande, avec d’autres prédicants réfugiés, voulurent l’obliger à se rétracter. Mais comment se rétracter sur des faits consignés dans l’Écriture ? Bayle n’avait-il pas quelque raison de penser que tous les faits rapportés dans les livres juifs ne sont pas des actions saintes ; que David a fait comme un autre des actions très-criminelles, et que s’il est appelé l’homme selon le cœur de Dieu, c’est en vertu de sa pénitence, et non pas à cause de ses forfaits ?

Écartons les noms, et ne songeons qu’aux choses. Supposons que pendant le règne de Henri IV, un curé ligueur a répandu secrètement une bouteille d’huile sur la tête d’un berger de Brie, que ce berger vient à la cour, que le curé le présente à Henri IV comme un bon joueur de violon qui pourra dissiper sa mélancolie, que le roi le fait son écuyer et lui donne une de ses filles en mariage ; qu’ensuite le roi s’étant brouillé avec le berger, celui-ci se réfugie chez un prince d’Allemagne ennemi de son beau-père, qu’il arme six cents brigands perdus de dettes et de débauches, qu’il court la campagne avec cette canaille, qu’il égorge amis et ennemis, qu’il extermine jusqu’aux femmes et aux enfants à la mamelle, afin qu’il n’y ait personne qui puisse porter la nouvelle de cette boucherie : je suppose encore que ce même berger de Brie devient roi de France après la mort de Henri IV, et qu’il fait assassiner son petit-fils après l’avoir fait manger à sa table, et livre à la mort sept autres petits-enfants de son roi ; quel est l’homme qui n’avouera pas que ce berger de Brie est un peu dur ?

Les commentateurs conviennent que l’adultère de David et l’assassinat d’Urie sont des fautes que Dieu a pardonnées. On peut donc convenir que les massacres ci-dessus sont des fautes que Dieu a pardonnées aussi.

Cependant on ne fit aucun quartier à Bayle. Mais en dernier lieu quelques prédicateurs de Londres ayant comparé George II à David, un des serviteurs de ce monarque a fait publiquement imprimer un petit livre dans lequel il se plaint de la comparaison[29]. Il examine toute la conduite de David, il va infiniment plus loin que Bayle, il traite David avec plus de sévérité que Tacite ne traite Domitien. Ce livre n’a pas excité en Angleterre le moindre murmure ; tous les lecteurs ont senti que les mauvaises actions sont toujours mauvaises, que Dieu peut les pardonner quand la pénitence est proportionnée au crime, mais qu’aucun homme ne doit les approuver.

Il y a donc plus de raison en Angleterre qu’il n’y en avait en Hollande du temps de Bayle. On sent aujourd’hui qu’il ne faut pas donner pour modèle de sainteté ce qui est digne du dernier supplice ; et on sait que si on ne doit pas consacrer le crime, on ne doit pas croire l’absurdité.


  1. L’article Histoire, de l’Encyclopédie, tome VIII, 1765, se composait, à quelques variantes près : 1° de cette ire section ; 2° de la fin du chapitre v, de tout le chapitre vi, et d’une partie du chapitre vii du Pyrrhonisme de l’histoire (voyez les Mélanges, année 1768) ; 3° du chapitre viii, et du commencement du chapitre ix du même ouvrage ; 4° d’une partie du chapitre xi ; 5° d’une grande partie de la section iii ; et 6° d’une partie de la section iv, ci-après (page 358).

    Dans les Questions sur l’Encyclopédie, en 1771, l’article Histoire commençait par les deux premiers alinéas de ce qui forme aujourd’hui la section ii ; et après ces deux alinéas venait ce qui est la section première.

    La disposition actuelle (à un morceau près), et la division par sections, datent de l’édition de Kehl. (B.)

    — Voici la correspondance entre Voltaire et d’Alembert au sujet de cet article. Voltaire à d’Alembert, 9 décembre 1755 : « Je me chargerais encore volontiers de l’article Histoire, et je crois que je pourrais fournir des choses assez curieuses sur cette partie, sans pourtant entrer dans des détails trop longs ou trop dangereux. » — Le même au même, 9 octobre 1756 : « Je suis bien mécontent de l’article Histoire. J’avais envie de faire voir quel est le style convenable à une histoire générale, celui que demande une histoire particulière, celui que des Mémoires exigent. J’aurais voulu faire voir combien Thoiras l’emporte sur Daniel, et Clarendon sur le cardinal de Retz. Il eût été utile de montrer qu’il n’est pas permis à un compilateur des Mémoires des autres de s’exprimer comme un contemporain ; que celui qui ne donne les faits que de la seconde main n’a pas le droit de s’exprimer comme celui qui rapporte ce qu’il a vu et ce qu’il a fait ; que c’est un ridicule, et non une beauté, de vouloir peindre avec toutes leurs nuances les portraits des gens qu’on n’a point connus ; enfin il y aurait cent choses utiles à dire qu’on n’a point dites encore ; mais j’étais pressé et j’étais malade. » — Le même au même, 29 novembre 1756 : « Je vous prie de me renvoyer l’article Histoire, dont je ne suis point content, et que je veux refondre puisque j’en ai le temps. » — D’Alembert à Voltaire : « Je vous ferai parvenir incessamment l’article Histoire contresigné. » — Voltaire à d’Alembert, 28 décembre 1756 : « Je vous renvoie Histoire, mon cher grand homme ; j’ai bien peur que cela ne soit trop long : c’est un sujet sur lequel on a de la peine à s’empêcher de faire un livre. » — Le même au même, 29 décembre 1757 : « Vous me donnez l’article Historiographe à traiter, mes chers maîtres. Je n’ai point ici la minute de l’article Histoire. Il me semble que je le fis bien vite, et que je le corrigeai encore plus vite et plus mal. Il serait nécessaire que je le revisse, afin que je ne plaçasse point au mot Historiographe ce que j’aurai mis au mot Histoire, et que je pusse mieux mesurer ces deux articles. Si donc vous avez quinze jours devant vous, renvoyez-moi Histoire. Cela est ridicule, je le sais bien ; mais je serais plus ridicule de donner un mauvais article. Je vous renverrai le manuscrit trois jours après l’avoir reçu. » — D’Alembert à Voltaire, 28 janvier 1758 : « Je doute fort que votre article Histoire puisse passer avec les nouveaux censeurs, et je vous renverrai cet article quand vous voudrez, pour y faire les changements que vous avez en vue. Mais rien ne presse ; je doute que le huitième volume se fasse jamais. » Il y eut, en effet, déroute de l’Encyclopédie en 1758 ; Voltaire, indigné, redemanda tous ses articles non parus ; mais on les garda : quand on put reprendre la publication du grand Dictionnaire, ils virent le jour sans qu’il y mît obstacle. (G. A.)

  2. En 1771.
  3. Juvénal a dit, satire x, vers 174-75 :

    Quidquid Græcia mendax
    Audet in historia.

  4. Le reste de l’alinéa n’existait pas en 1771; il fut ajouté en 1774. (B.)
  5. Ce paragraphe ne figure pas, on le pense bien, dans l’Encyclopédie, ainsi que les trois alinéas qui le précèdent. (G. A.)
  6. Dans les Questions sur l’Encyclopédie, en 1770, Voltaire avait reproduit les chapitres v (sauf quelques mots), vi, vii, viii, ix, x et xi du Pyrrhonisme de l’histoire (voyez les Mélanges, année 1768) ; après quoi venait ce qui forme aujourd’hui la section iii de l’article Histoire. (B.) — Voyez ci-après, page 356.
  7. Imprimée en 1764, à la suite des Contes de Guillaume Vadé ; les trois premiers alinéas faisaient le commencement de l’article Histoire, dans les Questions sur l’Encyclopédie, en 1771. (B.)
  8. Le P. Lelong, de l’Oratoire, avait donné une Bibliothèque historique de la France, 1719, un volume in-folio, contenant 17,487 articles. La nouvelle édition en cinq volumes in-folio, publiés de 1768 à 1778, et conséquemment depuis que Voltaire a écrit ce morceau, donne les titres de 48,223 ouvrages relatifs à l’Histoire de France, sans compter un volumineux supplément et des numéros doublés. Si l’on réfléchit que nécessairement plusieurs pièces ont échappé aux rédacteurs, que d’autres ont été omises volontairement ou forcément, qu’on n’y trouve rien de postérieur à 1774, que même les articles, depuis 1770, sont dans un nombre infiniment petit, que depuis lors les événements ont fait naître une immense quantité d’ouvrages ou opuscules, on doit s’en tenir plus que jamais à la remarque de Voltaire. (B.)
  9. Toute cette section faisait, en 1771, partie des Questions sur l’Encyclopédie. (Voyez les notes, pages 346 et 352.)

    À quelques alinéas près, ce qui la compose faisait partie de l’article Histoire, dans le tome VIII de l’Encyclopédie, en 1765.

    Le morceau de l’Utilité de l’histoire, qui fait aussi partie du tome III des Nouveaux Mélanges, publié en 1765, avait été placé ailleurs par les éditeurs de Kehl. Ils en avaient fait le XIVe des Fragments de l’histoire (voyez dans les Mélanges, année 1773). (B.)

  10. Montesquieu : Causes de la grandeur et de la décadence des Romains, chapitre xx.
  11. Cet alinéa et les deux suivants n’étaient point dans l’Encyclopédie, en 1765, mais faisaient partie du tome III des Nouveaux Mélanges, publié, comme je l’ai dit, la même année, et faisaient aussi partie du morceau dans les Questions sur l’Encyclopédie, en 1771. (B.)
  12. En 1720.
  13. Dans l’EncycIopédie, tome VIII, 1763, on lisait ici l’alinéa suivant :

    « L’histoire de l’homme au masque de fer aurait passé dans mon esprit pour un roman, si je ne la tenais que du gendre du chirurgien qui eut soin de cet homme dans sa dernière maladie. Mais l’officier qui le gardait alors m’ayant aussi attesté le fait, et tous ceux qui devaient en être instruits me l’ayant confirmé, et les enfants des ministres d’État, dépositaires de ce secret, qui vivent encore, en étant instruits comme moi, j’ai donné à cette histoire un grand degré de probabilité, degré pourtant au-dessous de celui qui fait croire l’affaire de Bender, parce que l’aventure de Bender a eu plus de témoins que celle de l’homme au masque de fer. » (B.)

    — Sur le masque de fer, voyez tome XVII, pages 204-208.

  14. Voyez l’article Certain, Certitude. (Note de Voltaire.)
  15. Cette phrase n’existe pas dans l’Encyclopédie. Elle fut ajoutée en 1771. (B.)
  16. Voltaire l’a déjà dit dans son Essai sur les Mœurs, tome XIII, page 175.
  17. Ici, dans les Questions sur l’Encyclopédie, en 1771, étaient reproduits les chapitres xii, xiii, xv, xvi, xvii, du Pyrrhonisme de l’histoire (voyez les Mélanges, année 1768). (B.)
  18. Cicéron, de Oratore, ii, 13, dit : Ne quid falsi dicere audeat ; deinde ne quid veri non audeat.
  19. Dans l’Encyclopédie, on lit : « Des Mémoires frauduleux imprimés depuis peu sont remplis, etc. » Les Mémoires de Mme  de Maintenon avaient paru en 1755, et Voltaire écrivait en 1758. (B.)
  20. Les cinq alinéas qui suivent n’étaient pas dans l’Encyclopédie en 1765 ; ils furent ajoutés en 1771. (B.)
  21. Voyez, sur le même sujet, dans les Mélanges, année 1753, la première partie du Supplément au Siècle de Louis XIV, et, année 1767, la dix-septième des Honnêtetés littéraires.
  22. Cet alinéa n’est point dans l’Encyclopédie ; il fut ajouté en 1771. (B.)
  23. Le fait est dans les chroniques du temps. L’historien n’est pas responsable de l’ignorance des médecins du xiiie siècle.
  24. Dans l’Encyclopédie, au lieu de la fin de cet alinéa et de l’alinéa suivant, on lit : « Cette réflexion peut s’appliquer à presque toutes les histoires des pays étrangers. Si vous n’avez pas, etc. » (B.)
  25. Dans l’Encyclopédie, on lisait ici ce qui suit : « La méthode convenable à l’histoire de votre pays, etc. » Voyez l’alinéa précédent qui fut, en 1771, mis à la place qu’il occupe aujourd’hui. (B.)
  26. Ici finissait l’article dans l’Encyclopédie. Mais dans les Questions sur l’Encyclopédie, en 1771, on trouvait encore à la suite le chapitre iii du Pyrrhonisme de l’histoire (voyez les Mélanges, année 1768). (B.)
  27. Cette section formait tout l’article dans le Dictionnaire philosophique, en 1764. (B.)
  28. Ce morceau a été imprimé, en 1765, dans le tome III des Nouveaux Mélanges. Il y était intitulé des Mauvaises Actions consacrées ou excusées. (B.)
  29. M, Hut, en 1761. Voyez l’article David.
Hipatie

Histoire

Historiographe