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AUSTÉRITÉS.

taient et se fouettent encore les uns les autres, comme faisaient autrefois les prêtres de Syrie et d’Égypte[1].

Parmi nous les abbés fouettèrent leurs moines ; les confesseurs fouettèrent leurs pénitents des deux sexes. Saint Augustin écrit à Marcellin le tribun « qu’il faut fouetter les donatistes comme les maîtres d’école en usent avec les écoliers ».

On prétend que ce n’est qu’au xe siècle que les moines et les religieuses commencèrent à se fouetter à certains jours de l’année. La coutume de donner le fouet aux pécheurs pour pénitence s’établit si bien que le confesseur de saint Louis lui donnait très-souvent le fouet. Henri II d’Angleterre fut fouetté par les chanoines de Cantorbéry[2]. Raimond, comte de Toulouse, fut fouetté la corde au cou par un diacre, à la porte de l’église de Saint-Gilles, devant le légat Milon, comme nous l’avons vu[3].

Les chapelains du roi de France Louis VIII[4] furent condamnés par le légat du pape Innocent III à venir, aux quatre grandes fêtes, aux portes de la cathédrale de Paris, présenter des verges aux chanoines pour les fouetter, en expiation du crime du roi leur maître, qui avait accepté la couronne d’Angleterre que le pape lui avait ôtée, après la lui avoir donnée en vertu de sa pleine puissance. Il parut même que le pape était fort indulgent en ne faisant pas fouetter le roi lui-même, et en se contentant de lui ordonner, sous peine de damnation, de payer à la chambre apostolique deux années de son revenu.

C’est de cet ancien usage que vient la coutume d’armer encore, dans Saint-Pierre de Rome, les grands pénitenciers de longues baguettes au lieu de verges, dont ils donnent de petits coups aux pénitents prosternés de leur long. C’est ainsi que le roi de France Henri IV reçut le fouet sur les fesses des cardinaux d’Ossat et Duperron. Tant il est vrai que nous sortons à peine de la barbarie, dans laquelle nous avons encore une jambe enfoncée jusqu’au genou !

Au commencement du xiiie siècle, il se forma en Italie des confréries de pénitents, à Pérouse et à Bologne. Les jeunes gens, presque nus, une poignée de verges dans une main, et un petit crucifix dans l’autre, se fouettaient dans les rues. Les femmes les regardaient à travers les jalousies des fenêtres, et se fouettaient dans leurs chambres,

  1. Voyez Apuleii Metam., livre XI. (Note de Voltaire.)
  2. En 1209. (Id.)
  3. Voyez l’article Avignon ci-après ; mais dans la première édition des Questions sur l’Encyclopédie, cet article Avignon précédait l’article Austérités. (B.)
  4. En 1223. (Note de Voltaire.)