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ANTIQUITÉ.

bereau d’ordures avec un bâillon à la bouche ; quand un jeune homme de dix-neuf ans[1] plein de candeur, de courage et de modestie, mais très-imprudent, était conduit au plus affreux des supplices ? on chantait des vaudevilles.

Tel est l’homme, ou du moins l’homme des bords de la Seine. Tel il fut dans tous les temps, par la seule raison que les lapins ont toujours eu du poil, et les alouettes des plumes.


SECTION V.


De l’origine des arts.


Quoi ! nous voudrions savoir quelle était précisément la théologie de Thaut, de Zerdust, de Sanchoniathon, des premiers brachmanes, et nous ignorons qui a inventé la navette ! Le premier tisserand, le premier maçon, le premier forgeron, ont été sans doute de grands génies ; mais on n’en a tenu aucun compte. Pourquoi ? c’est qu’aucun d’eux n’inventa un art perfectionné. Celui qui creusa un chêne pour traverser un fleuve ne fit point de galères ; ceux qui arrangèrent des pierres brutes avec des traverses de bois n’imaginèrent point les pyramides : tout se fait par degrés, et la gloire n’est à personne.

Tout se fit à tâtons jusqu’à ce que des philosophes, à l’aide de la géométrie, apprirent aux hommes à procéder avec justesse et sûreté.

Il fallut que Pythagore, au retour de ses voyages, montrât aux ouvriers la manière de faire une équerre qui fût parfaitement juste[2]. Il prit trois règles, une de trois pieds, une de quatre, une de cinq, et il en fit un triangle rectangle. De plus, il se trouvait que le côté 5 fournissait un carré qui était juste le double des carrés produits par les côtés 4 et 3 ; méthode importante pour tous les ouvrages réguliers. C’est ce fameux théorème qu’il avait rapporté de l’Inde, et que nous avons dit ailleurs[3] avoir été connu longtemps auparavant à la Chine, suivant le rapport de l’empereur Kang-hi. Il y avait longtemps qu’avant Platon les Grecs avaient su doubler le carré par cette seule figure géométrique.

  1. Le chevalier de La Barre. Voyez dans les Mélanges, année 1766, la Relation de la mort du chevalier de La Barre.
  2. Voyez Vitruve, livre IX. (Note de Voltaire.)
  3. Essai sur les Mœurs, etc. (Id.) — Voyez tome XI, page 173.