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DU PARLEMENT, DES CONVULSIONS, ETC.


des maximes dont les lois de la France ne s’accommodent pas. Elle fut rejetée ; mais le cardinal Fleury, qui protégeait les frères de Saint-Lazare, institués par Vincent, et qui les opposait secrètement aux jésuites, fit casser par le conseil l’arrêt du parlement, et Vincent fut reconnu pour saint malgré les remontrances : aucune de ces petites querelles ne troubla le repos de la France[1].

Après la mort du cardinal Fleury et les mauvais succès de la guerre de 1741, le parlement reprit un nouvel ascendant. Les impôts révoltaient les esprits, et les fautes qu’on reprochait aux ministres encourageaient les murmures. La maladie épidémique des querelles de religion, trouvant les cœurs aigris, augmenta la fermentation générale. Le cardinal Fleury, avant sa mort, s’était donné pour successeur dans les affaires ecclésiastiques un théatin nommé Boyer, qu’il avait fait précepteur du dauphin. Cet homme avait porté dans son ministère obscur toute la pédanterie de son état de moine ; il avait rempli les premières places de l’Église de France d’évêques qui regardaient la trop fameuse bulle Unigenitus comme un article de foi et comme une loi de l’État. Beaumont, qui lui devait l’archevêché de Paris, se laissa persuader qu’il extirperait le jansénisme. Il engageait les curés de son diocèse à refuser la communion qu’on appelle le viatique, et qui signifie provision de voyage, aux mourants qui avaient appelé de la bulle et qui s’étaient confessés à des prêtres appelants ; et conséquemment à ce refus de communion on devait priver les jansénistes reconnus de la sépulture. Il y a eu des nations chez lesquelles ce refus de la sépulture était un crime digne du dernier supplice ; et dans les lois de tous les peuples, le refus des derniers devoirs aux morts est une inhumanité punissable.

[2]Le curé de la paroisse de Saint-Étienne-du-Mont, qui était un chanoine de Sainte-Geneviève, nommé frère Boitin[3], refusa d’administrer un fameux professeur de l’université, successeur du célèbre Rollin. L’archevêque de Paris ne s’apercevait pas qu’en voulant forcer ses diocésains à respecter la bulle, il les accoutumait

  1. La bulle de canonisation donnée par Clément XII est du 16 juin 1737 : Vincent de Paul avait été béatifié par Benoit XIII, le 13 août 1729. L’arrêt du parlement, du 4 janvier 1738, supprime la bulle du 10 juin précédent, comme contenant des opinions contraires aux libertés et franchises de l’Église gallicane. Un arrêt du conseil, du 22 janvier 1738, cassa l’arrêt du parlement, et permit la publication de la bulle. (B.)
  2. Sur les querelles du parlement et du clergé, de 1750 à 1762, voyez, tome XV, le chapitre XXXVI du Précis du Siècle de Louis XV.
  3. Il est nommé Bouettin à la page 331 de la Suite du supplément au nécrologe des défenseurs de la vérité, faisant le tome V de la collection. (B.)