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SUPPLÉMENT AU SIÈCLE DE LOUIS XIV.

Je pourrais vous donner autant de leçons que vous avez fait de remarques : mais je me vous contenterai de vous donner en général l’avis d’étudier, et de vous repentir.





DEUXIÈME PARTIE[1].


Pour mieux se justifier auprès du public de tant de détails, et pour rendre autant qu’on le peut les choses personnelles d’une utilité générale, on fera ici une remarque littéraire qu’on soumet au jugement de tous ceux qui lisent ou qui écrivent l’histoire. La Beaumelle, en jeune homme inconsidéré, me reproche de n’avoir pas semé assez de portraits dans mon ouvrage. J’ai toujours pensé[2] que c’est une espèce de charlatanerie de peindre autrement que par les faits les hommes publics avec lesquels on n’a pu avoir de liaison. J’ai peint le siècle et non la personne de Louis XIV, ni celle de Guillaume III, ni le grand Condé, ni Marlborough. Il n’appartient qu’au père Maimbourg de faire des portraits recherchés et fleuris des héros que l’on n’a pas vus de près. Le cardinal de Retz a fait une espèce de galerie de portraits dans ses Mémoires : cette liberté lui était très-permise. Il avait connu tous ceux dont il parlait, dans toutes les situations de leur âme, dans leur vie particulière et publique, dans leurs amitiés et dans leur haine, dans leur bonne et mauvaise fortune. Il serait seulement à souhaiter peut-être que son pinceau eut été quelquefois moins conduit par la passion. De tous ces caractères tracés par des contemporains, qu’il y en a peu d’entièrement fidèles ! N’entend-on pas tous les jours porter des jugements différents d’un homme en place par la même personne, selon qu’elle est plus ou moins contente ? J’eus une preuve bien forte de ce que j’avance lorsqu’un jour, à Bleinheim, je suppliai Mme  la duchesse de Marlbo-

  1. Dans quelques éditions, cette seconde partie portait le titre de Réfutation plus directe. (B.)
  2. Voyez ce que Voltaire dit sur les portraits, dans le Dictionnaire philosophique, au mot Histoire.