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CHAPITRE CLXXX.

eurent pourtant l’avantage de la campagne. Le parlement n’en fut que plus opiniâtre. On voyait, ce qui est très-rare, une compagnie plus ferme et plus inébranlable dans ses vues qu’un roi à la tête de son armée.

Les puritains, qui dominaient dans les deux chambres, levèrent enfin le masque ; ils s’unirent solennellement avec l’Écosse, et signèrent (1648[1]) le fameux convenant, par lequel ils s’engagèrent à détruire l’épiscopat. Il était visible, par ce convenant, que l’Écosse et l’Angleterre puritaines voulaient s’ériger en république : c’était l’esprit du calvinisme. Il tenta longtemps en France cette grande entreprise ; il l’exécuta en Hollande, mais en France et en Angleterre on ne pouvait arriver à ce but si cher aux peuples qu’à travers des flots de sang.

Tandis que le presbytérianisme armait ainsi l’Angleterre et l’Écosse, le catholicisme servait encore de prétexte aux rebelles d’Irlande, qui, teints du sang de quarante mille compatriotes, continuaient à se défendre contre les troupes envoyées par le parlement de Londres. Les guerres de religion, sous Louis XIII, étaient toutes récentes, et l’invasion des Suédois en Allemagne, sous prétexte de religion, durait encore dans toute sa force. C’était une chose bien déplorable que les chrétiens eussent cherché, durant tant de siècles, dans le dogme, dans le culte, dans la discipline, dans la hiérarchie, de quoi ensanglanter presque sans relâche la partie de l’Europe où ils sont établis.

La fureur de la guerre civile était nourrie par cette austérité sombre et atroce que les puritains affectaient. Le parlement prit ce temps pour faire brûler par le bourreau un petit livre du roi Jacques Ier, dans lequel ce monarque savant soutenait qu’il était permis de se divertir le dimanche après le service divin. On croyait par là servir la religion et outrager le roi régnant. Quelque temps après, ce même parlement s’avisa d’indiquer un jour de jeûne par semaine, et d’ordonner qu’on payât la valeur du repas qu’on se retranchait, pour subvenir à la guerre civile. L’empereur Rodolphe avait cru se soutenir contre les Turcs par des aumônes[2]. Le parti parlementaire essaya dans Londres de vaincre par des jeûnes.

De tant de troubles qui ont si souvent bouleversé l’Angleterre avant qu’elle ait pris la forme stable et heureuse qu’elle a de nos

  1. Voici une date qui ne s’explique guère à cette place. Il faut lire 17 août 1643. (G. A.)
  2. Voyez chapitre clxxviii.