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DE LA FRANCE SOUS FRANÇOIS II.

Les calvinistes, toujours secrètement animés par le prince Louis de Condé, prirent les armes dans plusieurs provinces. Il fallait que les Guises fussent bien puissants et bien redoutables, puisque ni Condé, ni Antoine, roi de Navarre, son frère, père de Henri IV, ni le fameux amiral de Coligny, ni son frère d’Andelot, colonel général de l’infanterie, n’osaient encore se déclarer ouvertement. Le prince de Condé fut le premier chef de parti qui parut faire la guerre civile en homme timide. Il portait les coups et retirait la main ; et, croyant toujours se ménager avec la cour, qu’il voulait perdre, il eut l’imprudence de venir à Fontainebleau en courtisan, dans le temps qu’il eût dû être en soldat à la tête de son parti. Les Guises le font arrêter dans Orléans. On lui fait son procès par le conseil privé et par des commissaires tirés du parlement, malgré les priviléges des princes du sang de n’être jugés que dans la cour des pairs, les chambres assemblées : mais qu’est un privilége contre la force ? qu’est un privilége dont il n’y avait d’exemple que dans la violation même qu’on en avait faite autrefois dans le procès criminel du duc d’Alençon ?

(1560) Le prince de Condé est condamné à perdre la tête. Le célèbre chancelier de L’Hospital, ce grand législateur dans un temps où on manquait de lois, et cet intrépide philosophe dans un temps d’enthousiasme et de fureurs, refusa de signer. Le comte de Sancerre, du conseil privé, suivit cet exemple courageux. Cependant on allait exécuter l’arrêt. Le prince de Condé allait finir par la main d’un bourreau, lorsque tout à coup le jeune François II, malade depuis longtemps, et infirme dès son enfance, meurt à l’âge de dix-sept ans, laissant à son frère Charles, qui n’en avait que dix, un royaume épuisé et en proie aux factions.

La mort de François II fut le salut du prince de Condé ; on le fit bientôt sortir de prison, après avoir ménagé entre lui et les Guises une réconciliation qui n’était et ne pouvait être que le sceau de la haine et de la vengeance. On assemble les états à Orléans. Rien ne pouvait se faire sans les états dans de pareilles circonstances. La tutelle de Charles IX et l’administration du royaume sont accordées par les états à Catherine de Médicis, mais non pas le nom de régente. Les états même ne lui donnèrent point le titre de Majesté : il était nouveau pour les rois[1]. Il y a encore beaucoup de lettres du sire de Bourdeilles, dans lesquelles on appelle Henri III Votre Altesse.

  1. Voyez chapitres xciv, cxix, cxxi.