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DE VOLTAIRE.

Si l’homme est créé libre, il doit se gouverner ;

l’autre,

Si l’homme a des tyrans, il les doit détrôner[1].

Plusieurs députations, tant de la garde nationale que des sociétés patriotiques, formaient un cortége nombreux et ont conduit le corps sur les ruines de la Bastille. On avait élevé une plate-forme sur l’emplacement qu’occupait la tour dans laquelle Voltaire fut renfermé : son cercueil, avant d’y être déposé, a été montré à la foule innombrable des spectateurs qui l’environnaient, et les plus vifs applaudissements ont succédé à un religieux silence. Des bosquets garnis de verdure couvraient la surface de la Bastille. Avec les pierres provenant de la démolition de cette forteresse, on avait formé un rocher, sur le sommet et autour duquel on voyait divers attributs et allégories. On lisait sur une de ces pierres :

Reçois en ce lieu où t’enchaîna le despotisme,
Voltaire,
les honneurs que te rend la patrie.

La cérémonie de la translation au Panthéon français avait été fixée pour le lundi 11 ; mais une pluie survenue pendant une partie de la nuit et de la matinée avait déterminé d’abord à la remettre au lendemain : cependant, tout étant préparé et la pluie ayant cessé, on n’a pas cru devoir la retarder ; le cortége s’est mis en marche à deux heures après midi.

Voici l’ordre qui était observé: un détachement de cavalerie, les sapeurs, les tambours, les canonniers et les jeunes élèves de la garde nationale, la députation des colléges, les sociétés patriotiques, avec diverses devises ; on a remarqué celle-ci :

Qui meurt pour sa patrie, meurt toujours content ;

  1. Ce sont les deux premiers vers du troisième des Discours sur l’Homme ; voyez tome IX, page 63.

    Le vers qui suit est celui qu’on va lire :


    On ne le sait que trop, nos tyrans sont nos vices ;


    de sorte que d’une réflexion morale on avait fait un principe politique.