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défense, et chacun de ces postes avait à défendre une portion de courtine. La tactique des assaillants consistait à s’emparer d’une courtine en dépit des flanquements, et de se répandre ainsi dans la place.

Alors les postes des tours s’enfermaient, et il fallait les assiéger séparément, ce qui rendait possible un retour offensif de la garnison et mettait les assiégeants dans une position assez périlleuse. Cependant on voulut, dès le milieu du XIIIe siècle, rendre les parties de la défense plus solidaires, et l’on augmenta le relief des courtines en renonçant ainsi aux commandements considérables des tours. Dans le dernier exemple que nous présentons, le niveau des chemins de ronde des courtines est en N ; le commandement de la tour est donc très-prononcé.

Déjà ces commandements sont moins considérables au château de Coucy, bâti vers 1220[1]. Les quatre tours d’angle de ce château sont très-remarquables, au double point de vue de la structure et de la défense. Elles sont pleines dans toute la hauteur du talus. Cinq étages s’élèvent au-dessus de ce talus ; deux sont voûtés, deux sont fermés par des planchers, le cinquième est couvert par le comble conique[2].

Les plans (fig. 10) présentent en A la tour d’angle nord-ouest, au niveau du sol du premier étage du château ; en C, au niveau du sol du second étage ; en D, au niveau du crénelage supérieur.

L’étage inférieur, voûté, au niveau du sol de la cour, ne possède aucune meurtrière ; c’est une cave à provisions dont la voûte est percée d’un œil. L’escalier ne monte que du niveau de la cour au sol du quatrième étage, et l’on n’arrivait à l’étage crénelé que par un escalier de bois (échelle de meunier)[3]. En g, sont des cheminées ; en l, des latrines[4]. Une ouverture laissée au centre des planchers permettait de hisser les munitions du rez-de-chaussée au sommet de la tour sur les chemins de ronde. Les meurtrières sont alternées, afin de laisser le moins possible de points morts.

Les tours du château de Coucy présentent une particularité intéressante, c’est la transition entre le hourdage de bois et le mâchicoulis de pierre[5]. Des corbeaux de pierre remplacent les trous par lesquels on passait (comme nous l’avons vu dans l’exemple précédent) les pièces de bois en bascule qui recevaient les chemins de ronde établis en temps de guerre. Ces corbeaux à demeure recevaient alors les hourds[6].

La figure 11 donne la coupe (sur la ligne ad du plan A) de ce bel

  1. Il n’est question, bien entendu, que des constructions du commencement du XIIIe siècle, dues à Enguerrand. Les courtines du château de Coucy furent encore exhaussées vers 1400 par Louis d’Orléans.
  2. Voyez, pour le système de structure de ces tours, à l’article Construction, la figure 144.
  3. Ces escaliers ont été surélevés, sous Louis d’Orléans, jusqu’au niveau des combles.
  4. Voyez Latrines, fig. 1.
  5. Donjon, Hourd, Mâchicoulis.
  6. Voyez Hourd, Porte (la porte de Laon à Coucy-le-Château).