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tours du bord de l’eau, à Orléans, endommagent très-fort le châtelet des Tournelles occupé par les Anglais, et, au siège de Jargeau, les canons français détruisent des ouvrages.

Pendant le règne de Louis XI, de gros boulevards circulaires sont élevés aux saillants de quelques places[1], pour obliger les assaillants à ne commencer leurs travaux d’attaque qu’à une assez grande distance des remparts. Vers cette époque, beaucoup de tours anciennes sont terrassées pour recevoir des pièces en batterie, et leur base est entourée de douves avec escarpe et parapet, afin de les garantir contre les boulets ennemis et d’obtenir un tir rasant. À la place des barbacanes élevées pendant les siècles précédents, on établit de gros boulevards en terre qui battent au loin les approches. Ces dispositions devaient apporter dans l’art d’attaquer les forteresses des changements considérables. C’est alors qu’on commence à former, devant les places assiégées, des camps reliés par des fossés et des parapets d’où partent des boyaux de tranchées qui permettent de cheminer à couvert jusqu’à la contrescarpe des fossés. Par contre, les défenseurs étendent les travaux extérieurs pour battre ces tranchées. Peu à peu ces travaux s’éloignent du pied des vieux remparts conservés comme commandement. Ce sont d’abord des boulevards circulaires ou carrés réunis par des fronts de terre avec fossés et palissades. Puis ces boulevards changent de forme ; ils prennent la figure de grands bastions avec épaules. Entre eux, ce ne sont plus des lignes continues, mais des flèches également en terre qui protègent leurs intervalles. Ces flèches sont parfois doubles déjà à la fin du XVe siècle, et ressemblent à de véritables tenailles.

C’est en France où l’abandon des méthodes de la fortification du moyen âge est le plus rapide. L’esprit militaire du pays comprend que l’étendue de la défense est plus efficace que son accumulation, et pendant qu’en Italie, et en Allemagne surtout, on continue à édifier de gros boulevards circulaires, à croire à l’utilité des obstacles accumulés, on trace déjà, de ce côté-ci des Alpes et du Rhin, des fronts étendus avec de larges flanquements et des bastillons en flèche destinés à gêner les travaux d’approches. En 1500, l’Allemagne persiste encore à élever des défenses successives et à maintenir des commandements élevés[2] ; mais nos ingénieurs rasent les vieilles tours, remplissent de terre leur base conservée, et, en dehors, se contentent d’ouvrages terrassés bas, avec fossés et boulevards très-distancés. Ces ingénieurs de la fin du XVe siècle comprenaient très-bien déjà qu’avec l’artillerie à feu, il faut éviter que l’assaillant puisse faire converger son tir sur un point. Au commencement du XVIe siècle, cependant, après les guerres du Milanais, des ingénieurs italiens font de beaux travaux, bien entendus comme détail plutôt que comme ensemble. Les boulevards qu’ils élèvent à cette époque sont

  1. Voyez Architecture Militaire, fig. 48 et 49.
  2. Comme à Nuremberg, par exemple (voyez Tour).