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Il arrivait même souvent aux artistes peignant des sujets ou des ornements sur fond d’or, de dorer les dessous des ornements ou draperies destinés à être colorés en rouge, en pourpre ou en jaune mordoré. Alors la coloration n’était qu’un glacis très-transparent posé sur le métal, et, avec des tons très-intenses, on évitait les lourdeurs. Ces tons participaient du fond et conservaient quelque chose de son éclat métallique.

La cherté des peintures dans lesquelles l’or jouait un rôle important, les difficultés, conséquences de l’emploi de ce métal, qui entravaient le peintre à chaque pas pour conserver partout une harmonie brillante, très-soutenue, sans tomber dans la lourdeur, firent que vers la fin du XIIIe siècle, ainsi que nous l’avons dit, on adopta souvent le parti des grisailles. On avait poussé si loin, vers le milieu du XIIIe siècle, la coloration des vitraux ; cette coloration écrasante avait entraîné les peintres à donner aux tons de leurs peintures un tel éclat et une telle intensité, qu’il fallait revenir en arrière. On fit alors beaucoup de vitraux en grisailles, ou l’on éclaircit la coloration translucide ; l’or ne joua plus dans la peinture qu’un rôle très-secondaire et les sujets furent colorés par des tons doux, très-clairs, et, pour éviter l’effet plat et fade de ces camaïeux à peine enluminés, on les soutint par des fonds très-violents, noirs, brun-rouge, bleu intense, chargés souvent de dessins tons sur tons ou de damasquinages de couleurs variées, mais présentant une masse très vigoureuse. On ne songeait guère alors aux fonds de perspective, mais on commençait à donner aux accessoires, comme les sièges, les meubles, une apparence réelle. Peu à peu le champ de l’imitation s’étendit ; après avoir peint seulement les objets touchant immédiatement aux figures suivant leur forme et leur dimension vraie, on plaça un édifice, une porte, un arbre, sur un plan secondaire ; puis enfin les fonds de convention et purement décoratifs disparurent, pour faire place à une interprétation réelle du lieu où la scène se passait. Toutefois il faut constater que si les peintres, avant le XVIe siècle, cherchaient à donner une représentation réelle du lieu, ils ne songeaient, comme nous l’avons dit déjà, ni à la perspective aérienne, ni à l’effet, c’est-à-dire à la répartition de la lumière sur un point principal, ni à produire l’illusion, et que leurs peintures conservaient toujours l’aspect d’une surface plane décorée, ce qui est, croyons-nous, une des conditions essentielles de la peinture monumentale.

Nous ne pourrions nous étendre davantage, sans sortir du cadre de cet article, sur la peinture des sujets dans les édifices. D’ailleurs nous avons l’occasion de revenir sur quelques points touchant la peinture, dans les articles Style et Vitrail. Nous passerons maintenant à la peinture d’ornement, à la décoration peinte proprement dite. Il y a lieu de croire que sur cette partie importante de l’art, les artistes du moyen âge n’avaient que des traditions, une expérience journalière, mais peu ou point de théories. Les traités de peinture ne s’occupent que des moyens matériels et n’entrent pas dans des considérations sur l’art, sur les méthodes à employer dans tel ou tel cas. Pour nous, qui avons absolument perdu ces