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d’une pente ae, d’un grain d’orge f, d’un large cavet g, d’un tore et d’un élégissement h. C’est le tore avec son cavet qui est le membre accentué. Observant que ce profil n’est pas de nature à rejeter les eaux de e en c, l’architecte du commencement du XIIIe siècle, tout en maintenant les mêmes saillies données par l’épannelage, trace le profil B. Il augmente sensiblement la pente supérieure, la retourne d’équerre, creuse en l une mouchette prononcée pour rejeter les eaux pluviales, et contracte le profil inférieur. Un peu plus tard, l’architecte augmente encore la pente, conserve la mouchette (voy. le tracé D), et contracte davantage la moulure inférieure en ne lui laissant plus que son accentuation, le tore m. Vers la fin du XIIIe siècle, le traceur augmentera encore la pente (voy. le tracé E) et ne conservera qu’une mouchette qui se confondra avec l’ancien cavet g. Du tore m il ne subsistera que le listel o. Ainsi, du profil roman dérivé d’un art étranger, l’architecte gothique, par une suite de déductions logiques, aura obtenu une section très-différente de celle qui avait servi de point de départ. En augmentant peu à peu la pente du membre supérieur de ce profil, en terminant cette pente par un larmier bien autrement accusé que ne l’est le larmier antique, en contractant, jusqu’à la supprimer presque complètement, la moulure inférieure, le traceur de l’école du XIIIe siècle a fait d’un bandeau qui n’avait qu’une signification décorative, un membre utile, un moyen d’éloigner des parements les eaux pluviales, sans avoir à craindre même l’effet de leur rejaillissement sur une surface horizontale ou même sur une pente peu prononcée.

S’il s’agit cependant de couronner un édifice important, il faut une saillie prononcée. Une seule assise ne saurait suffire ; l’architecte de l’école laïque naissante procède toujours par contraction. Du profil de corniche romano-grec devenu profil roman, il ne prend que des rudiments. Dans l’exemple figure 7, nous avons vu que les membres de l’architecture antique sont à peu près complets. Les deux faces b, d, quoique bien amoindries, subsistent encore ; par compensation, le profil supérieur c s’est développé aux dépens de ces faces. La frise a n’est plus qu’un tore écrasé entre la corniche et l’architrave. Le traceur de la fin du XIIe siècle (fig. 11)[1], supprime la frise dont on soupçonne encore l’existence dans quelques monuments d’architecture romane ; de l’architrave, il ne conserve que le membre développé, en abandonnant les autres, et de la corniche il ne fait qu’un larmier, comme dans l’exemple précédent.

Cependant les architectes romans, pendant le XIe siècle et le commencement du XIIe, composaient habituellement les corniches au moyen d’une suite de corbeaux portant une tablette[2]. Ce mode, simple comme structure, permettait de donner à peu de frais, à ce membre de l’architecture, une apparence très-riche. Si nombreuses et bien tracées que

  1. Du transsept nord de la cathédrale de Noyon, 1170 environ.
  2. Voyez Corniche, fig. 1 à 12.