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fut adopté chez ces religieux que pendant le XIIe siècle, et qu’il était destiné à pourvoir à l’affluence extraordinaire des fidèles dans les églises de cet ordre ; ce qui n’a pas lieu de surprendre, lorsque l’on songe qu’à cette époque, les églises clunisiennes étaient les lieux les plus vénérés de toute la chrétienté, et, comme le dit le roi Louis VII, dans une charte donnée au monastère de Cluny, les membres les plus nobles de son royaume. L’étendue, la richesse des porches fermés des grandes églises clunisiennes ne furent dépassées ni même atteintes dans les autres églises cathédrales ou monastiques.

Les cisterciens établirent aussi des porches fermés devant leurs églises, mais ceux-ci sont peu étendus, bas, et affectent autant la simplicité que ceux de l’ordre de Cluny manifestent les goûts luxueux de leurs fondateurs. D’ailleurs les porches des églises cisterciennes ne sont pas absolument clos comme ceux des églises clunisiennes ; ils présentent généralement des ouvertures à l’air libre comme des arcades d’une galerie de cloître, et ressemblent plutôt à un portique profond qu’à une salle. Il paraîtrait ainsi que saint Bernard voulait revenir aux dispositions des églises primitives et retrouver le narthex des basiliques de l’antiquité chrétienne. Ces porches cisterciens sont écrasés, couverts en appentis et ne sont jamais flanqués de tours comme les porches des églises bénédictines (voy. Architecture Religieuse). Percés d’une seule porte en face de celle de la nef, ils sont ajourés sur la face antérieure par des arcades non vitrées et non fermées, s’ouvrant au-dessus d’un bahut assez élevé. Tel est encore le porche parfaitement conservé de l’église cistercienne de Pontigny (Yonne), dont nous donnons le plan fig. 6. Ce porche, bâti pendant la seconde moitié du XIIe siècle[1], se compose de trois travées en largeur et de deux en profondeur ; il n’occupe que la largeur de la grande nef. Des deux côtés, en A, sont deux salles fermées qui étaient destinées aux besoins de l’abbaye. Des voûtes d’arête sans nervures couvrent ce porche et viennent reposer sur deux colonnes. Une porte extérieure B correspond à la porte principale C de la nef, et des deux côtés, en D, s’ouvrent, sur un large et haut bahut, deux arcades divisées par des colonnettes accouplées. Tout cet ensemble, y compris les deux salles, est couvert par un comble en appentis avec demi-croupes aux deux extrémités. Au-dessus du comble du porche est percée une énorme fenêtre dans le grand pignon ; elle éclaire la nef. À l’extérieur, la construction de ce porche est d’un aspect froid et triste. À l’intérieur, les chapiteaux des colonnes sont ornés de sculptures d’une simplicité toute puritaine, et le tympan de la porte de l’église n’est décoré que d’une croix en relief. La figure 7 présente la coupe longitudinale du porche de l’église de Pontigny, et fait assez voir combien les moines de l’ordre de Cîteaux s’étaient, en plein XIIe siècle, éloignés des programmes splendides adoptés par les

  1. L’église de Pontigny fut en grande partie élevée aux dépens de Thibault le Grand, comte de Champagne, de 1150 à 1190.