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facilement et sont fort gênantes. Il suffit de s’être promené un jour de foule dans la rue de Rivoli, à Paris, pour reconnaître les inconvénients des arêtes vives laissées sur les piliers isolés : ce sont autant de lames blessantes placées au-devant des passants. Admettant que cela soit monumental, ce n’en est pas moins très-incommode.

Les architectes de la fin du XVe siècle ont non-seulement fait descendre le long des piles les profils prismatiques des arêtes des voûtes, mais encore ils se sont plu parfois à tordre ces profils en spirale, et à décorer d’ornements sculptés les intervalles laissés entre les côtes. On voit un curieux pilier ainsi taillé au fond du chevet de l’église de Saint-Séverin, à Paris. On en voit un composé de gros boudins en spirale dans l’église de Sainte-Croix de Provins. Ce sont là des fantaisies qui ne sauraient servir d’exemples et que rien ne justifie. La province de Normandie fournit plus qu’aucune autre ces étrangetés dues au caprice de l’artiste qui, à bout de ressources, cherche dans son imagination des combinaisons propres à surprendre le public. Les maîtres du moyen âge n’ont jamais eu recours à ces bizarreries. Ce n’est qu’en Angleterre que dès le XIIIe siècle naît ce désir de produire des effets surprenants. Déjà dans la cathédrale de Lincoln on voit des piliers de cette époque, composés avec une recherche des petits effets que l’on ne trouve dans notre école que beaucoup plus tard. Des exemples de piliers sont présentés dans les articles Architecture Religieuse, Cathédrale, Construction et Travée.

PINACLE, s. m. Couronnement, finoison, comme on disait au XIVe siècle, d’un contre-fort, d’un point d’appui vertical, plus ou moins orné et se terminant en cône ou en pyramide. Dans les monuments d’une haute antiquité, on signale déjà certains amortissements d’angles de frontons et de corniches qui sont de véritables pinacles[1] : La plupart des monuments de notre période romane ont perdu presque tous ces couronnements supérieurs qui rappelaient cette tradition antique. Toutefois les ornements en forme de pomme de pin, qui terminent les lanternons de l’église de Saint-Front de Périgueux, peuvent bien passer pour de véritables pinacles. Ce n’est guère qu’au XIIe siècle que l’on commence à signaler des restes nombreux de ces sortes d’amortissements. Alors ils surmontent les angles des clochers carrés à la base des cônes ou des pyramides formant la flèche ; ils apparaissent au-dessus des contre-forts aux angles des pignons. D’abord peu développés, ou en forme d’édicules, ils prennent, dès la fin du XIIe siècle, une assez grande importance ; puis au commencement du XIIIe siècle, ils deviennent souvent de véritables monuments. Comme tous les membres de l’architecture de ce temps, les

  1. Voyez la médaille frappée sous le règne de Caracalla, donnant au revers le temple de Vénus à Paphos (bronze) ; celle donnant au revers les propylées du temple du Soleil, à Baalbec. Consulter l’Architectura numismatica, recueillie par Donaldson, architecte (London, 1859).