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[hôtel de ville]
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d’ériger une maison commune et un beffroi s’y trouvait compris. Mais, jusqu’au XIVe siècle, les communes ont à subir des vicissitudes si diverses, aujourd’hui octroyées, demain abolies, qu’il nous reste bien peu de maisons de ville antérieures à cette époque, le premier acte de l’autorité qui abolissait la commune étant d’exiger la démolition de l’hôtel et du beffroi. « Les maisons communes, dit M. Champollion-Figeac[1], appartenaient quelquefois au roi ou aux seigneurs suzerains qui en permettaient l’usage à de certaines conditions. En 1271, celle de Carcassonne provint d’un don royal, et le sénéchal y exerçait la police au nom du monarque[2]… Celle de la ville de Limoges appartenait, en 1275, au vicomte de ce nom, qui permettait aux consuls de s’y assembler avec le prévôt pour discuter les affaires municipales, et elle portait le nom de Consulat. Elle avait cependant été construite par la commune ; mais il fut reconnu que c’était sur un emplacement appartenant au vicomte, ce qui fut cause que la propriété lui fut adjugée sur sa réclamation. »

L’état précaire des communes, le peu de ressources dont elles disposaient pour subvenir à toutes les charges qui leur étaient imposées, devaient les arrêter souvent dans leurs projets de constructions de maisons de ville. Cependant certaines grandes cités, comme Bordeaux, par exemple, possédaient des édifices bâtis pour servir de maisons de ville, vers la fin du XIIe siècle[3]. Il est certain que les villes de la Gaule situées au midi de la Loire avaient conservé, beaucoup mieux que celles du nord, les traditions municipales des derniers temps de l’Empire romain. « C’est là seulement, dit M. Aug. Thierry[4], que les cités affranchies atteignirent à la plénitude de cette existence républicaine, qui était en quelque sorte l’idéal auquel aspiraient toutes les communes. » Aussi ces villes possédaient-elles des édifices auxquels on peut donner le nom de maison commune, à une époque où, dans le Nord, on n’avait eu ni le loisir ni les moyens matériels nécessaires à leur érection. Certaines parties du Capitole de Toulouse indiquent une date fort ancienne, et cet hôtel municipal était une véritable forteresse dès le XIIe siècle.

Dans la petite ville de Saint-Antonin, située dans le département de Tarn-et-Garonne, cité autrefois importante et riche, il existe encore un hôtel de ville du milieu du XIIe siècle, qui est certainement l’un des plus curieux édifices civils de la France. Il servait de halle à rez-de-chaussée.

  1. Droits et usages concernant les travaux de construction, etc., sous la troisième race des rois de France. Paris, 1860.
  2. On observera que les Carcassonnais, chassés de l’ancienne ville après le siège mis par Trincavel, obtinrent du roi saint Louis de rebâtir une ville de l’autre côté de l’Aude (voy. Architecture Militaire).
  3. Voy. le Bulletin des comités historiques, février 1854 ; Notice sur l’hôtel de ville de Bordeaux, par M. Lamothe.
  4. Lettres sur l’histoire de France (XIIIe siècle).