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Il faut croire que les inconvénients inhérents à ce système le firent abandonner assez promptement, car on renonça bientôt à l’emploi de ces bouches à feu à boîtes pour ne plus employer que les tubes de fonte de cuivre ou de fer avec un seul orifice. D’ailleurs, si on gagnait du temps en chargeant d’avance plusieurs boîtes, on devait en perdre beaucoup à enlever les clavettes et à les renfoncer, sans compter que les œils de passage des clavettes devaient se fatiguer promptement, s’élargir et ne plus permettre de serrer convenablement les boîtes ; il fallait alors changer ces clavettes et en prendre de plus fortes. On voit encore quelques-unes de ces bouches à feu dans nos arsenaux et au musée d’artillerie de Paris ; quelques-unes sont en fer forgé, les plus grosses sont en fonte de fer.

Les premières bouches à feu furent montées sur des affûts sans roue et mises simplement en bois, ou charpentées comme on disait alors, c’est-à-dire encastrées dans un auget pratiqué dans de grosses pièces de bois et serrées avec des boulons, des brides de fer ou même des cordes. Le pointage ne s’obtenait qu’en calant cette charpente en avant ou en arrière au moyen de leviers et de coins en bois (25).


On disait affûter une bombarde pour la pointer. Du Clercq, en racontant la mort de Jacques De Lalain, dit que « le mareschal de Bourgoingne, messire Antoine, bastard de Bourgoingne, messire Jacques de Lallaing, allèrent (au siége du château de Poucques) faire affuster une bombarde pour battre ledit chastel ; et comme ils faisoient asseoir la dicte bombarde, ceulx du chastel tirèrent d’un veuglaire après les dessus dicts seigneurs, duquel veuglaire ils férirent messire J. de Lallaing et luy emportèrent le hanepière de la teste… » D’affûter on fit le mot affût, qui, à dater du XVIe siècle, fut employé pour désigner les pièces de charpente portant le canon, permettant de le mettre en batterie et de le pointer.

Les vignettes des manuscrits du milieu du XVe siècle nous donnent un assez grande variété de ces affûts primitifs[1]. Sous Charles VII et Louis XI, cependant, l’artillerie de campagne faisait de rapides progrès ; on possé-

  1. Voy. l’article Architecture Militaire, fig. 42, 43 et 43 bis.