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ces contrées ; d’autres, comme les écoles de la Provence et d’une partie du Languedoc, ne sont que l’expression du système des municipalités romaines qui, dans ces contrées, se conserva jusqu’à l’époque de la guerre des Albigeois ; ces dernières écoles suivent, plus que toute autre, les traditions de l’architecture antique. D’autres encore, comme les écoles du Périgord, de la Saintonge, de l’Angoumois et d’une partie du Poitou, ont subi, vers le XIe siècle, les influences de l’art byzantin. On ne compte, dans nos provinces, que quatre écoles pendant la période gothique : l’école de l’Île-de-France, du Soissonnais, du Beauvoisis ; l’école bourguignonne ; l’école champenoise, et l’école normande (voy., pour les développements, les articles architecture religieuse, monastique, cathédrale, clocher, construction, église, peinture, sculpture, statuaire ).

ÉCU, s. m. (voy. armoiries).

ÉGLISE personnifiée, SYNAGOGUE personnifiée. Vers le commencement du XIIIe siècle, les constructeurs de nos cathédrales, se conformant à l’esprit du temps, voulurent retracer sur les portails de ces grands édifices à la fois religieux et civils, non-seulement l’histoire du monde, mais tout ce qui se rattache à la création et aux connaissances de l’homme, à ses penchants bons ou mauvais (voy. Cathédrale). En sculptant sous les voussures de ces portails et les vastes ébrasements des portes les scènes de l’Ancien Testament et celles du Nouveau, ils prétendirent cependant indiquer à la foule des fidèles la distinction qu’il faut établir entre la loi Nouvelle et l’Ancienne ; c’est pourquoi, à une place apparente, sur ces façades, ils posèrent deux statues de femme, l’une tenant un étendard qui se brise dans ses mains, ayant une couronne renversée à ses pieds, laissant échapper des tablettes, baissant la tête, les yeux voilés par un bandeau ou par un dragon qui s’enroule autour de son front : c’est l’Ancienne loi, la Synagogue, reine déchue dont la gloire est passée, aveuglée par l’esprit du mal, ou incapable au moins de connaître les vérités éternelles de la Nouvelle loi. L’autre statue de femme porte la couronne en tête, le front levé ; son expression est fière ; elle tient d’une main l’étendard de la foi, de l’autre un calice ; elle triomphe et se tourne du côté de l’assemblée des apôtres, au milieu de laquelle se dresse le Christ enseignant : c’est la loi Nouvelle, l’Église. Ce beau programme était rempli de la façon la plus complète sur le portail de la cathédrale de Paris. Les statues de l’Église et de la Synagogue se voyaient encore des deux côtés de la porte principale, à la fin du dernier siècle, dans de larges niches pratiquées sur la face des contre-forts : l’Église à la droite du Christ entouré des apôtres, la Synagogue à la gauche[1].

Nous ne possédons plus en France qu’un très-petit nombre de ces statues. L’église de Saint-Seurin de Bordeaux a conservé les siennes, ainsi

  1. Ces deux statues furent renversées en août 1792. Elles viennent d’être replacées.