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les Auvergnats ont été prendre les exemples qui leur ont servi de modèles.

Nous sommes peu disposés à admettre les systèmes absolus, lorsqu’il s’agit de l’histoire des arts, et nous croyons qu’à toutes les époques, les hommes qui s’occupent de travaux de l’intelligence subissent des influences très-diverses, en contradiction les unes avec les autres, et que ce qui nous paraît à nous, souvent, remplir les conditions d’unité de style et de conception, à cause de la distance qui nous sépare de ces temps, n’est qu’un mélange d’éléments disparates. Il en est de même des œuvres d’art comme de ces animaux de ménagerie que l’on ne voit qu’à de rares intervalles et en petit nombre : ceux d’une même espèce paraissent se ressembler tous ; mais si on les réunit, si on vit au milieu d’eux, on arrive bientôt à distinguer les individualités, à trouver à chacun d’eux une physionomie particulière. Si l’on vous amène cent nègres du Sennaar, vous ne sauriez le premier jour les désigner séparément ; mais si vous restez parmi eux, vous trouverez bientôt qu’entre deux nègres il y a autant de différences de physionomie, de port, de gestes, qu’entre deux blancs ; vous trouverez entre le père et le fils des rapports, des ressemblances. Eh bien ! le même phénomène se produit (qu’on nous passe la comparaison) quand il s’agit de monuments d’art fort éloignés de nous par le goût qui les a fait élever, ou l’espace de temps qui nous en sépare.

Analysons cette église de Notre-Dame-du-Port, l’un des plus intéressants monuments de la France, et nous allons trouver ses origines très-diverses, bien que ce petit monument ait pour nous aujourd’hui un caractère d’unité apparente. Le plan (voy. Architecture Religieuse, fig. 9) est celui d’une basilique romaine, avec collatéral derrière le sanctuaire et quatre chapelles absidales : or, au XIe siècle, les architectes n’avaient guère, pour se guider, que les traditions romaines et les arts d’Orient. L’église de Sainte-Sophie de Constantinople était, pour ces artistes, un type, une œuvre incomparable, le suprême effort de l’intelligence humaine. Depuis la renaissance des arts sous Charlemagne, on ne croyait pouvoir mieux faire, sur une bonne partie du continent européen, que de se rapprocher des types byzantins, ou tout au moins de s’en inspirer. Eh bien ! si nous examinons les coupes de l’église de Sainte-Sophie, nous voyons que la grande coupole centrale est contre-buttée, dans le sens longitudinal, par deux demi-coupoles ou quarts de sphère, et que, dans l’autre sens, c’est-à-dire des bras de croix correspondant aux transsepts de nos églises, cette coupole est contre-buttée par une suite d’arcs-boutants qui viennent l’enserrer, absolument comme les demi-berceaux de l’humble église de Notre-Dame-du-Port enserrent sa petite coupole. Sous la coupole de Sainte-Sophie, comme sous celle de Notre-Dame-du-Port de Clermont, nous voyons les murs latéraux percés d’arcatures. À Sainte-Sophie, cette arcature est une ordonnance d’architecture d’une grande richesse ; à Notre-Dame-du-Port, ce sont trois modestes arcades supportées par deux petites colonnes. Au fond, le principe est le même, et il faut dire, à la louange de l’architecte auvergnat, que, tout en s’inspirant du principe de