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ment. Si les colonnes pouvaient se passer de leur entablement, c’était lorsqu’elles portaient des arcs. Cependant nous voyons, dans les thermes romains et autres édifices analogues, des colonnes portant des arcs ou des voûtes d’arêtes, et possédant toujours un entablement sans usage mais comme une décoration jugée nécessaire. Les architectes romans, soit qu’ils eussent sous les yeux des exemples de monuments du Bas-Empire dans lesquels les arcs venaient poser leur sommier sur le chapiteau, soit que leur bon sens naturel leur indiquât que dans ce cas l’entablement n’était plus qu’un membre inutile, renoncèrent à l’employer. Et comme ils n’adoptaient presque jamais la plate-bande dans leurs constructions, il en résulta que s’ils conservèrent la colonne antique, ils supprimèrent toujours l’entablement. Les colonnes des édifices romans sont donc dépourvues de ce complément, et ne possèdent que la base et le chapiteau. L’ordre corinthien était celui qui, sous l’Empire, avait été presque exclusivement employé, surtout dans les derniers temps ; aussi les architectes romans cherchèrent-ils à imiter les chapiteaux de cet ordre, de préférence à tout autre. Mais la diminution des fûts antiques, leur galbe, était un détail de l’art trop délicat pour être apprécié par des hommes grossiers ; aussi lorsqu’ils élevèrent des colonnes, ils les taillèrent le plus souvent suivant la forme cylindrique parfaite, c’est-à-dire qu’ils leur donnèrent le même diamètre dans toute leur hauteur. Nous devons observer en passant que les colonnes isolées sont de préférence adoptées pendant l’époque romane dans les contrées où il restait des débris considérables d’édifices antiques. Dans les provinces méridionales, le long du Rhône, de la Saône, de la Marne, nous trouvons la colonne isolée fréquemment employée comme pile ; tandis que, dans les contrées où les traditions antiques étaient plus effacées, les colonnes ne sont guère usitées que pour cantonner des piles à plan carré ; elles sont alors engagées et reçoivent les retombées des arcs, ou bien elles tiennent lieu, à l’extérieur, de contreforts, et ne portent rien (voy. Architecture Religieuse, Clocher, Construction, Église).

Chez les Romains, la colonne n’était guère adoptée à l’intérieur, comme support nécessaire, que dans les basiliques. Les architectes romans, même lorsqu’ils tentèrent de remplacer les charpentes des basiliques par des voûtes, voulurent parfois, cependant, conserver la colonne comme point d’appui ; seulement ils en augmentèrent le diamètre afin de résister à la charge des maçonneries supérieures. La nef de l’église abbatiale de Saint-Savin en Poitou, qui date du XIe siècle, voûtée en berceau plein cintre avec bas-côtés en voûtes d’arêtes, présente deux rangées de colonnes cylindriques isolées formées de tambours de pierre. La nef de l’église cathédrale de la cité de Carcassonne présente des colonnes isolées alternées avec des piles à base carrée cantonnées de colonnes engagées. Ces colonnes cylindriques portent directement sur leurs chapiteaux circulaires les sommiers des archivoltes longitudinaux de la nef, des arcs doubleaux des bas-côtés et des colonnes engagées recevant les arcs dou-