Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 2.djvu/469

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[cha]
— 466 —

ces provinces, les bas-côtés des églises ont à peu près la hauteur du vaisseau principal (voy. Architecture Religieuse, Cathédrale), afin de contrebuter la poussée des voûtes centrales ; quoique ce mode eût l’inconvénient d’empêcher d’ouvrir des jours au-dessus des collatéraux sous les voûtes hautes, il avait l’avantage d’éviter la construction des arcs-boutants, et de donner des bas-côtés fort élevés contre lesquels on pouvait adosser des chapelles d’une bonne dimension comme diamètre et hauteur, sans que leur couverture vînt dépasser le niveau des corniches de ces collatéraux. La chapelle était alors une absidiole semi-circulaire accolée à un mur élevé ; elle était un appendice à l’édifice, un édicule indépendant pour ainsi dire, ayant son ordonnance particulière.

L’exemple pris sur le plus beau monument de ce genre qu’il y ait en Saintonge, et que nous donnons (33), expliquera nettement ce qu’est la chapelle absidale dans les églises romanes de l’Ouest. À Saintes, il existe une charmante église du XIIe siècle, Saint-Euthrope, qui possède une vaste crypte, ou plutôt une église basse, à rez-de-chaussée, sous le chœur. L’abside de cette église est flanquée de trois chapelles dont nous reproduisons l’aspect extérieur. Ces chapelles règnent dans la crypte comme au niveau du chœur, ainsi que le fait voir notre gravure ; leurs fenêtres ne sont pas de la même dimension que celles du collatéral A ; elles sont plus petites. Les chapelles de Saint-Euthrope de Saintes sont donc, comme nous le disions, un petit édifice accolé à un autre plus grand. Si ce parti peut être adopté dans l’architecture romane de l’Ouest, dont l’échelle n’est pas soumise à des proportions fixes, qui ne tient pas compte de l’unité dans ses dispositions architectoniques, il n’aurait pu être admis par les architectes des provinces du Nord à la fin du XIIe siècle, alors que l’architecture ne se permettait plus ces désaccords d’échelle, et que l’on revenait à des lois impérieuses d’unité. D’ailleurs on n’avait pas, dans le Nord, cette ressource des collatéraux élevés ; il fallait les tenir assez bas pour pouvoir éclairer largement le vaisseau central au-dessus de leur couverture. Force fut donc, lorsqu’on voulut, au commencement du XIIIe siècle, ouvrir des chapelles à l’abside des églises, de leur donner la hauteur des bas-côtés et de les couvrir sans trop de difficultés, sans gêner l’écoulement des eaux et sans nuire à l’ordonnance générale. On procéda timidement d’abord ; à Bourges, par exemple, les chapelles absidales ne formèrent que des demi-tourelles attachées au bas-côté, couvertes par des terrassons coniques en dalles[1]. À Chartres, les chapelles absidales ne furent guère aussi que des niches couronnées par des pavillons dallés. C’est en Champagne que les chapelles absidales paraissent prendre, dès la fin du XIIe siècle, un développement considérable. Le chœur de l’église Saint-Remy de Reims est contemporain de celui de la cathédrale de Paris, c’est-à-dire qu’il dut être

  1. Plus tard, ces couvertures furent remplacées par des pyramides en pierre fort élevées qui ne sont pas d’un heureux effet.