Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 2.djvu/223

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[bou]
— 220 —

remplaçait les barbacanes des anciennes forteresses (voy. Architecture Militaire). Le boulevard apparaît en même temps que l’application régulière de l’artillerie à feu. Il est d’abord élevé en terre gazonnée, et c’est peut-être à son apparence verdoyante à l’extérieur qu’il doit son nom ; bientôt, d’ouvrage provisoire élevé à la hâte en dehors des vieilles murailles, il passe à l’état de terrassement permanent revêtu de pierre ou de construction de maçonnerie épaisse, défendue par des fossés, des batteries couvertes et barbettes. Le boulevard devient la principale défense des places ; il protège les anciens murs, ou bien, établi sur un point faible, il forme un saillant considérable et ne se relie à l’ensemble de la forteresse que par des lignes étendues.

Parmi les essais qui furent tentés, à la fin du XVe siècle et au commencement du XVIe, pour mettre la défense des places au niveau de l’attaque, nous devons citer en première ligne la belle forteresse de Schaffhausen, véritable boulevard, qui présente tout un ensemble d’ouvrages fort remarquable pour l’époque, et parfaitement complet encore aujourd’hui. Mais pour faire comprendre l’importance de cet ouvrage, il est nécessaire de se rendre compte de son assiette. En sortant du lac de Constance, le Rhin se dirige par Stein vers l’ouest ; arrivé à Schaffhausen, il se détourne brusquement vers le sud jusqu’à Kaiserstuhl. Ce coude est causé par de hautes collines rocheuses qui ont présenté un obstacle au fleuve et l’ont contraint de changer son cours. Stein, Schaffhausen et Kaiserstuhl forment les trois angles d’un triangle équilatéral dont Schaffhausen est le sommet. Il était donc d’une grande importance de fortifier ce point avancé, frontière d’un État, d’autant mieux que la rive gauche du fleuve, celle qui est dans le triangle, est dominée par les collines de la rive droite qui ont présenté au fleuve un obstacle insurmontable. En cas d’invasion, l’ennemi ne pouvait manquer d’occuper les deux côtés du triangle et de tenter le passage du fleuve au point où il forme un coude ; il ne risquait pas ainsi d’être pris en flanc. Ceci posé, les Suisses établirent dès lors un pont reliant les deux rives du Rhin et les deux parties de la ville de Schaffhausen, et sur la rive droite ils plantèrent une grande forteresse au sommet de la colline commandant le fleuve, en reliant cette citadelle au Rhin par deux murs et des tours. Ces deux murs forment un vaste triangle, sorte de tête de pont commandée par la forteresse. Voici (1) l’aspect général de cette fortification, que nous devons étudier dans ses détails. La citadelle, ou plutôt le grand boulevard qui couronne la colline, est à trois étages de batteries, deux couvertes et une à ciel ouvert. La batterie inférieure est placée un peu au-dessus du fond du fossé, qui est très-profond ; en voici le plan (2). On arrive au chemin de ronde pentagonal A par une rampe spirale en pente douce B permettant le charroi de pièces de canon. À chaque angle de ce chemin de ronde, d’une largeur de 2m,00 environ, sont percées des embrasures biaises pour l’artillerie battant le fossé ; en avant des côtés du polygone sont élevés trois petits ouvrages isolés, sortes de bastions dont nous donnons (3) l’élévation perspective. En supposant que