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leurs beffrois. Voici (12) celui d’Évreux, construit au XVe siècle et qui est complet. Nous en donnons les plans, avec la vue perspective, aux trois étages ABC. Les municipalités déployaient un certain luxe dans ces constructions urbaines ; elles tenaient à ce que leurs couronnements élevés, souvent ornés de clochetons, d’aiguilles, de grandes lucarnes, fussent aperçus de loin, et témoignassent de la richesse de la cité.

Nous avons dit, en commençant, que les cloches de la commune étaient suspendues, dans certains cas, au-dessus d’anciennes portes de villes. Peut-être est-ce en souvenir de cette disposition provisoire que beaucoup de beffrois isolés furent construits à dessein sous forme de porte surmontée d’une ou deux tours. Nous citerons parmi les beffrois servant de porte, bâtis à cheval sur une rue, les tours de beffroi de Saint-Antonin, de Troyes (démolie aujourd’hui), d’Avallon, de Bordeaux. Ce dernier beffroi est fort remarquable ; il se compose de deux grosses tours entre lesquelles s’ouvre un arc laissant un passage public. Au-dessus, un second arc couronné par un crénelage et un comble couvre la sonnerie (voy. Porte).

Dans quelques villes, l’une des tours de l’église principale servit et sert encore de beffroi. À Metz, à Soissons, à Saint-Quentin, une des tours de la cathédrale est restée destinée à cet usage. Quant aux beffrois tenant aux hôtels de ville, nous renvoyons nos lecteurs au mot Hôtel-de-Ville.

Beffroi, machine de guerre. Pendant les sièges du moyen âge, on se servait de tours de bois mobiles pour jeter, sur les murailles attaquées, des troupes de soldats qui livraient ainsi l’assaut de plain pied (voy. Architecture Militaire). Ces tours prenaient le nom de beffrois. Cet engin de guerre était en usage dans l’antiquité. César, dans ses Mémoires, indique souvent leur emploi. Après avoir élevé des terrassements qui permettaient d’approcher de grosses machines des murailles attaquées, comblé les fossés et établi des mantelets qui couvraient les travailleurs, l’armée de César, au siège d’une place forte défendue par les Nerviens, construit une tour de bois hors de la portée des traits des assiégés.

« Lorsqu’ils nous virent dresser la tour, dit César[1], après avoir posé des mantelets et élevé la terrasse, les Nerviens se mirent à rire du haut de leurs murailles, et demandèrent à grands cris ce que nous voulions faire, à une si grande distance, d’une si énorme machine ; avec quelles mains et quels efforts des hommes d’une si petite taille pourraient la remuer (car les Gaulois, à cause de leur haute stature, méprisent notre petite taille) ; prétendions-nous approcher cette masse de leurs murs ? Mais lorsqu’ils la virent s’ébranler et s’avancer vers leurs défenses, étonnés d’un spectacle si nouveau, ils envoyèrent à César des députés pour traiter de la paix… »

Les Gaulois imitateurs, d’après le dire de César lui-même, ne tardèrent

  1. Livre II, De Bello gallico.