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une propriété commune à toutes les matières vivantes avec ou sans chlorophylle : c’est la manifestation la plus caractéristique et la plus importante de la vie dans la biosphère, le signe essentiel par lequel on distingue la vie de la mort, c’est une forme de l’englobement de tout l’espace de la biosphère par l’énergie de la vie. Cette diffusion provoquée par la multiplication, se manifeste dans la nature ambiante par l’ubiquité de la vie, son accaparement de tout espace libre, si elle ne rencontre sur son chemin aucun obstacle insurmontable qui y mette un frein. Le domaine de la vie, c’est toute la surface de la planète. S’il advenait qu’une partie fut dénuée de vie, elle finirait par être accaparée plus ou moins rapidement par des êtres vivants. Les temps géologiques, considérés à l’échelle de l’histoire de la planète, ne représentent qu’un moment bien court dans lequel des organismes se développent néanmoins, adaptés à des conditions qui leur eussent jadis été funestes ; les limites de la vie semblent ainsi s’étendre avec les temps géologiques (§ 119, 122) ; en tous cas, la vie s’empare ou tend à s’emparer pendant l’histoire géologique de tout l’espace qu’elle peut utiliser.

Cette tendance de la vie lui est manifestement inhérente et n’est pas l’indice d’une force étrangère, comme l’est pas exemple la diffusion d’un tas de sable ou d’un glacier, par suite de la gravitation.

La diffusion de la vie, c’est un mouvement qui se manifeste par l’ubiquité de la vie, c’est la manifestation de son énergie interne, du travail chimique qu’elle effectue. Cette diffusion est analogue à la diffusion du gaz, qui n’est pas provoqué par la gravitation mais par sa propre énergie, par les mouvements séparés des particules dont l’ensemble constitue le gaz. La diffusion de la matière vivante à la surface de la planète est aussi la manifestation de son énergie : c’est un mouve-