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impudents en ce mestier ! On en pendra tant !

Assuré et resolu que j’estois, je trouvay une fois un homme sur le chemin de Nantes, qui s’en alloit solliciter un procez, et me disant qu’il n’avoit point d’argent. À force de prier Dieu, je decouvray qu’il luy estoit venu quatre cens escus en sa pochette ; alors luy et moy nous les comptasmes, et, après les avoir comptés, nous partissons esgallement, comme frères, sans autre bruit ny disputes, telle qu’elle fust.

Voyez, frères, voyez si vous estes de si bonne amitié ; jà vous estes bien rogues, et ne vaudriez rien à torcher le cul, car vous estes trop rudes et mal gracieux ; aussi n’aurez-vous jamais rien : car, quand vous trouvez le pauvre marchand en chemin, vous le saluez de chair et de mots, et, pour tout gracieux accueil, le colletez et luy vuidez sa pauvre bourse, sans vous soucier ce qu’il peut devenir. Ha ! ingrats, meschans et indignes d’estre frères de Guillery, on en pendra tant !

Ainsi redouté que j’estois, me transportant en plusieurs lieux, suivant les forests et attendant le retour des marchands le long des grands chemins, je fus une fois adverty que quelques prevots s’estoient amassez avec leurs archers pour me venir surprendre dans la forest de Mochemont, qui est près de Rouen6. Là, j’assemblay mes gens et les tiray à


6. Guillery poussoit en effet ses entreprises jusqu’à Rouen ; v. t. 1er, p. 298. Le coup de main dont le récit suit ne se trouve pas raconté dans la première pièce que nous avons donnée.