La Prinse et deffaicte du capitaine Guillery


La prinse et deffaicte du capitaine Guillery, qui a été pris avec 62 volleurs de ses compagnons.

1609



La prinse et deffaicte du capitaine Guillery, qui a été pris avec 62 volleurs de ses compagnons, qui ont estez roués en la ville de La Rochelle le vingt-cinquiesme de novembre 1608 ; avec la complainte qu’il a faict avant que mourir.
Paris, jouxte la coppie imprimée à La Rochelle par les heritiers de Jerosme Hautain. 1609.
In-8º1.

La malice piaffe pour un temps, et depuis que l’homme a faict alliance avec l’ennemy de son salut, bronchant parmy les tenèbres de son erreur, il ne cesse de courir à perte d’aleine jusques à ce qu’il se trouve sur le bord du precipice, où, à la fin, l’autheur de ses debauches le fait trebucher et en fait un joüet d’un funeste supplice et le spectacle d’une piteuse tragédie. Il a ouvert la fosse (dit le prophète) et l’a creusée, et est tombé en l’abisme qu’il a fait. Dieu les laisse courir pour un peu, jusqu’à temps que le comble de leur malice soit accompli ; mais en fin, ne pouvant supporter la calamité que ses boutefeux attisent parmy son peuple, vaincu par les cris de ceux que la force a piteusement conversé en terre, il esveille les flammes de sa colère et ouvre la main aux foudres de sa justice, pour leur faire engloutir ces serviteurs du grand dragon sous les flots d’une sevère punition, où il leur faict gouster le fiel de leur malice.

Un Guillery, ou plustost un vray monstre à la nature, que l’enfer a vomy du plus profond de ses abysmes, pour luy faire enfanter une infinité de volleries et brigandages, s’en est toujours allé suyvant sa brizée, jusques à ce qu’il s’est filé le cordeau qui luy pend sur la teste, et a dejà attaché son frère sur le posteau d’un sevère supplice, là où, pour toute la recompense de toutes meschancetez qu’il a cruellement exercez envers plusieurs marchands, il a laissé la vie sur une roüe parmy les tourmens et les bourreaux. Mais il faut entendre les moyens par où il a esté acheminé à ce pas, et marquer icy en passant quelques traits de sa malice, bien qu’elle se soit assez fait cognoistre par toute la France au bruit qui a remply les oreilles d’un chacun.

Ce Guillery estoit d’une grand maison de Bretaigne, dont je tairay le nom de peur d’offencer quelqu’un2, et a monstré assez clairement parmy le feu de nos guerres civiles qu’il estoit homme resolu et de courage, de façon que, s’amusant plustost à remuer le fer parmy le gros des ennemis, où sa valeur le conduisoit, que au pillage, comme font coustumierement les ames casanières, ses esperances l’ont trompé à fin, qui luy promettoient un orage perpetuel en nos fureurs civiles, et pensoit bien que, pourveu que la guerre peut tousjours escumer ses bouillons, rien ne luy manqueroit, veu mesmes qu’il estoit fort affectionné de feu monsieur le duc de Mercure3 à cause de sa vaillance ; mais quoy ! il y a des revolutions ordinaires au cours des affaires humaines que la providence de l’homme ne peut penetrer, et, lorsqu’il pense tenir le feste de ce qu’il pretendoit, il ne faut qu’un tourbillon de la fortune pour la raser au bas de sa roüe, où elle lui fait sentir les effects d’inconstance.

Ainsi Guillery, se voyant demeuré à sec par le calme de la paix, qui fit incontinent rassoir les vagues de la tourmente, et ses esperances esvanoüies avec les brouillards de la guerre, se laisse gaigner au desespoir, qui luy fait prendre les bois, et, laissant abastardir la vigueur de son courage et rouiller ses conceptions guerrières à faute de moyens et d’exercice où il se peut tenir en haleine, il advance sa main meurtrière sur le passant et ses desirs au pillage ; de ses moyens et d’un genereux Theseus, il se transforme en un Scyni4 monstrueux et ravisseur. Voilà comme les esprits les plus eslevez se laissent quelquefois aller en cendre, et mesme les âmes les plus asseurées sur le pied de la vertu se laissent une fois brider au vice, ou sont celles qui despeignent plus au vif l’enormité de leur malice.

Luy donc estant robuste et fort redouté, ne manque point d’estre suivy de beaucoup de gens de sa sorte, qui attachent leur vie et leur fortune au mesme hazard de la sienne, et entre autres de deux de ses frères, qu’il attire à sa cordelle, et, ramassant aussi l’escume de toute la haulte et basse Bretaigne, Poictou et autres circonvoisins pays, il se trouve accompagné de plus de quatre cens hommes5, tous de fait, et qui ne respiroient autre chose que le carnage.

Estant donc ainsi rangé en un bois6, où il dresse une puissante forteresse, un jour il attend jusques environ sur le midy, couché sur le ventre le long du grand chemin de Nantes7, tant que à la fin il passe un bon-homme, à qui il demande où il alloit, et ayant desjà bien entendu qu’il alloit à Nantes, il feint aussy y vouloir aller. Se mettant en chemin ensemble, demandoit au bon-homme qu’il alloit faire à Nantes ; luy respondit qu’il alloit solliciter un procez. Tu as donc bien de l’argent ? luy dit-il. L’autre s’excuse et dit qu’il n’en avoit point, sinon sept ou huict souls pour son disner. Non ay-je point moy, respondit-il ; mais j’espère que Dieu nous en envoyera. Puis, estant passé un peu plus oultre, et luy ayant encore demandé s’il n’avoit point d’argent, et l’autre ayant dit que non : Or bien, dit-il, prions, Dieu nous en envoyra. Et de ceste façon, tirant un petit manuel de sa pochette, il se met à genoux et y fait mettre ce bon-homme avec luy, puis il luy dist : Regarde s’il t’en est point venu. Il met la main en sa pochette et dit que non. Tu ne pries donc point de bon cœur ? dit-il. L’autre s’excuse et dit que si faisoit ; et disant cela il tire cinq sols de sa pochette et le fait encores prier, et la seconde fois en tire dix, puis quinze, et tousjours le bon-homme ne trouvoit rien. Tu ne prie donc pas de bon cœur ? dit-il, car il t’en viendroit aussi bien qu’à moy. Il dit que si, tant qu’il pouvoit. Or, dit-il, alors tu en as donc bien : car moy, qui ne prie guières de bon cœur, s’il m’en est venu, à plus forte raison à toy aussi, et, partant, je le veux voir. Et disant cela il se met à le fouiller, luy trouve quatre cens escuz, en prend la moitié et le renvoye avec le reste, luy disant : Comment ! tu me veux tromper, et ne me rien donner de ce que Dieu t’envoye en ma compagnie, comme si je n’en devois avoir ma part !

Cela sont les moindres choses, et n’est rien au prix des chasteaux forcés, où ils ont miserablement massacrez les pauvres seigneurs, gentilshommes et damoiselles, emporté leurs moyens et mis leurs maisons en desolation ; et, entre autres, en ayant voulu forcer un autre, S.-Hermine8 et Mareul9 ils furent descouverts par la sentinelle qui y veilloit d’ordinaire, comme s’il eût été en temps de guerre, pour la crainte qu’il avoit d’eux, et leur ayant ladite sentinelle tiré un coup d’arquebuze, ils furent poursuiviz par le seigneur du lieu, qui manda en diligence à quelques gentilshommes ses voisins, et aux villages par là auprès, pour avoir des gens, et ayant en peu de temps ramassez jusques à près de deux cens hommes, tant d’uns que d’autres, il les attint auprès d’un bois à trois lieües de là. Eux, estant jusques au nombre d’environ trente cuirasses, se mettent en défense, et y eut quelques morts, tant d’un costé que d’autre ; mais le monde y abordant à la file de tous costez, comme pour esteindre le brasier qui devoroit le repos de tout le pays, ils furent contrains de se mettre en fuitte, laissans trois ou quatre de leurs compaignons prisonniers, qui furent mis sur la roüe à Bessay10, qui est là auprès.

Que diray-je davantage ? ils prindrent un gentilhomme, grand seigneur de là auprès, et après lui avoir bandé les yeux, ils le menèrent à travers le bois jusques à leur forteresse11, puis, estant là, ils le desboucherent, luy monstrèrent tout là dedans force munitions, tant de guerre que pour le vivre, avec un molin à bras et un four, des petites pièces de campaigne, à force mousquets et arquebuses, picques, grenades, petards et autres engins, tant pour l’offensive que pour la deffensive, puis les autres fortifications des fossez à plein de cuve, un pont-levis avec un ravelin enclos d’une palissade, et, pour dire en un mot, il y remarqua tant de fortifications qu’il luy sembloit imprenable ; ils le menèrent aussi en une grande sale toute tapissée de cuir d’Espagne qu’ils avoyent vollé en une navire le long de la mer12. Mais ainsi que on le conduisoit, Guillery luy mit le pistolet à la gorge, et luy fit jurer sur peine de la vie qu’il ne leur seroit jamais contraire. Après cela, on luy presente le disner, où il fut traité fort magnifiquement, et tout en vesselle d’argent, et puis après s’estre bien promenez et bien discouru ensemble, on luy reboucha la veüe, et le ramena-on jusques au bort du bois, d’où on le renvoya.

Mais quoy ? de s’ennuyer de leurs meschancetez et ne plus permettre que ceste trame soit roulée plus avant, tout le monde murmure, et la France ne peut plus supporter ceste peste sur le cœur sans la vomir ; ils s’enflamment tousjours de plus en plus, et se descouvrent eux-mesmes, mettans certains escritaux par les chemins, par lesquels ils decouvrent qu’ils vouloyent la vie de messieurs de la justice, l’argent, le pillage et rençon des gentilshommes ; rencontrent un prevost, le chargent, prennent quelques uns de ses gens, et s’il ne se fût sauvé de legereté, il eût tombé entre leurs mains13 ; de sorte que personne ne pouvoit trafiquer en toute la Bretagne ny le bas Poitou, parce qu’il a un esprit familier, par lequel il se fait porter par tout là où il veut en moins de rien, de façon qu’on le verra quelquefois le matin auprès de Nantes, et le soir il sera autour de Rouen et d’Orléans14, et autres lieux semblables, s’accostans des marchands comme s’ïl estoit aux foires, et puis quand il voist la commodité il les destrousse, et leur oste tous leurs biens. La cour, en estant advertie, mande à Monsieur de Parabole, gouverneur de Niort, et à tous les officiers d’autour, qu’on mît diligence de les attrapper. Ce qu’estant sceu, tous les prevosts s’assemblent jusqu’au nombre de dix-huit ou vingt, conduicts par le grand prevost, avec toute la communauté qu’ils assemblèrent incontinent de toutes parts, jusques au nombre d’environ quatre mille cinq cens hommes, et de ce pas s’en vont assiéger le bois où le gentilhomme qui avoit esté en leur chasteau les mena, et courant de tous costez, ils trouvent à la fin ceste forteresse en un petit vallon, entre force arbres qui la couvroient fort bien de tous costez, de façon qu’à peine pouvoit-on la descouvrir.

Ils estoient plusieurs prevosts avec quelques autres gens15, et avec quatre couleuvrines ils se mettent à les battre ; la batterie dure tout un jour, et ceux qui estoient dedans, environ trois cens, se mettent en devoir de se defendre ; mais à la fin Guillery, voyant qu’il ne pouvoit tenir long-temps, sort de furie avec ses gens à la desesperade, et, fendant la presse, bien monté et armé de toutes pièces, passe outre avec quelques uns de ses gens qui estoient les plus legerement et mieux montez16 ; et le reste, estant chargé de près par soldats fort adroits aux armes, conduicts par bons capitaines qui n’ignoroient pas toutes les ruses et stratagèmes dont il falloit user pour avoir tels voleurs, car en fin finale, ils furent prins avec le capitaine Guillery17, qui fut accablé soubs la foule qui les arresta, et tandis les autres passent outre à tirer vers la mer, où ils trouvent une navire sur le bord, où ils ravagent et tuent la plus part de ceux qui estoient dedans, puis ils se mettent sur la mer où ils se sont encore mis à escumer et ont faict plusieurs voleries.

Estant donc le capitaine Guillery demeuré pris avec environ quatre vingt de ses gens, il est mené à Saintes, où son procez luy fut faict dès le lendemain, et luy condamné à la rouë avec tous ses complices, qui furent rouez en plusieurs lieux, pour donner exemple ; mais lui fut executé à la Rochelle, où estant sur l’eschaffaut, d’un visage rassis et d’une contenance qui marquoit bien son assurance, sans aucun effroy, il arrache ces pitoyables paroles du milieu de ses remors qu’il pousse dehors, en presence de toute l’assistance, qui estoit composée d’une infinité de personnes qui accouroient de toutes parts à ce spectacle.

« Je pense qu’il n’y a personne de vous autres, Messieurs, qui ne soit icy pour contenter ses desirs en la peine qu’on dedie à mon supplice ; mais quand on aura mis en la balance tout le faict de mon destin, vous donnerez plus tost des larmes à ma fortune, que vos desirs à l’accomplissement de ceste miserable prophetie de ma defaite. Il est vray, cest eschaffaut odieux, et que mes mesfaits ont estez les degrez par lesquels je me suis porté ; mais quoy ! ç’a esté un coup à qui je ne pouvois gauchir, et un passage qu’il me failloit traverser. Il y a ici beaucoup de gens qui sçavent la maison d’où je suis sorti, laquelle doit à ce jour avoir une si ignominieuse tache estre attachée à la memoire de posterité qui ternira son renom au souvenir de la faute. » Et disant ces mots, les larmes luy commencèrent à couler le long des joües ; puis, se tournant de l’autre costé :

« Et combien, Messieurs, il n’est pas incompatible qu’il ne puisse sortir un mauvais fruict d’une bonne semence, selon le champ où sera semé, qui le corrompt quelquefois, ou la constellation des astres, qui luy sera contraire ; de façon que, quand vous blasmerez ma fortune et celle de mes compaignons, je vous prie, et mes larmes vous y convient, de jeter les yeux de vostre memoire sur mes ayeuls, qui n’ont jamais veu courir des ombrages si odieux que cela sur leur reputation, et dont les vertus ne me doivent presager que de merveille ; mais quoi ! les meilleurs naturels peuvent estre corrompus comme le mien, qui, se laissant flatter aux persuasions de mon frère, que le desespoir avoit envelopé en ses toilles, s’est laissé emporter à ses desbauches, qui me font aujourd’huy dresser les cheveux à la contemplation de ma faute, et, d’une main odieuse, me presentant ceste coupe funeste qu’il faut que j’avalle quand le malheur me range à ses loix. J’ai jetté incontinent les yeux sur ce que le presage de ma fortune me presentoit tout au long ; mais ma fragilité, qui ne faisoit en sorte de penetrer si avant, m’a toujours empêché de voir la fin ; je me suis trouvé sur le dernier saut de ma defaicte, où il faut que la peine que l’on prepare à mon corps satisface pour les forfaicts que j’ai commis. » Il faict une petite pose, puis, tirant un grand soupir, il dit encore :

« Je vous puis bien asseurer que la mort qu’il me faut endurer tout maintenant ne me fasche point, puisqu’il nous faut tous passer ce passage ; mais il n’y a que le chemin par où il faut que je le franchisse qui me soit fascheux, avec le blasme qui en doit courir sur mes parens, et les presages qui menacent encore mes frères de frapper au mesme caillou. Je prie Dieu qu’il leur ouvre les yeux pour les appeller à penitence et leur faire changer le train de leur vie, afin que, se retirant, ils puissent atteindre à une fin heureuse. Et vous autres, Messieurs, consolez mes parens, leur remonstrant que, si à ce aujourd’huy la fortune fait courir ce nauffrage sur leur memoire, ils en doivent combattre la douleur par la souvenance des vertus signalez de nos ayeux, et que, quand la memoire de nos desbauches leur travaillera l’esprit, ils nous restranchent du nombre de leur famille et imaginent comme si nous n’avions point esté.

» Cest oubly essuyra la playe de leur douleur, et ne laisseront pas de suivre le chemin que nos ayeux leur ont tracé. Et vous autres, Messieurs, je vous conjure d’avoir compassion de ma fortune et de prier pour mon ame, afin qu’il plaise à nostre Sauveur ne vouloir point avoir esgard à mes fautes, et que, puis qu’il me faut icy servir d’exemple, brider le courage de ceux qui se voudroient attacher aux desordres où me suis enveloppé, il luy plaise vouloir ouvrir la porte de son paradis à mon ame. »

Il se tourne vers ses compaignons, et, après les avoir encouragés de se monstrer constans à ce passage, il prie le bourreau de l’expedier le plus diligemment qu’il luy sera possible ; et, ayant recommandé son ame à Dieu, il s’estend sur l’eschaffaut, où il endura la mort d’une constance nompareille, jusqu’à ce que il rendit l’ame. Dieu veuille qu’elle soit entre ses mains ! Ainsi soit-il.

C’est verité ; j’ay desservy
Une mort encor plus cruelle ;
Car le peché que j’ay commi
Merite bien mort eternelle.
Après mal-heur (helas !) à la fin bousche
Le vil conduit d’une maligne bouche,
Et le mechant en horreur obstiné
Par un gibet est aussy ruiné.




1. Cette pièce est l’une des plus curieuses, et pourtant des moins connues qui aient été faites sur le bandit saintongeois. Elle complète pour plusieurs détails, et rectifie, pour plusieurs autres, le petit livret qui, pendant plus de deux siècles, en popularisa l’histoire, et le même dont un érudit de Niort, M. Fillon, a donné en 1848 une édition annotée, sous ce titre, qui ne change presque rien à l’ancien : Histoire véridique des grandes et exécrables voleries et subtilitez de Guillery, depuis sa naissance jusqu’à la juste punition de ses crimes, remise de nouveau en lumière. Fontenay, imprimerie de Robuchon, 1848, in-8. À 50 exemplaires. Ce n’est, comme je l’ai dit, et comme M. Fillon le déclare lui-même, qu’une réimpression de la pièce dont je parlois, et qui, à cette même époque de 1848, avoit encore à Épinal ses éditions populaires sous le titre de : Histoire de Guillery, Pellerin, in-18, 22 pages (V. Nisard, Histoire des livres populaires ou de la Littérature du colportage, in-8, t. 1, p. 534). M. Fillon n’a ajouté qu’un épisode, c’est « l’anecdote drolatique du trésorier de Saint-Michel-en-l’Herme, que la tradition, dit-il, a pris soin de conserver. » Il s’est aussi servi, dit-il encore, de la relation donnée par Fr. Rosset dans ses Histoires tragiques ; mais c’étoit sans doute pour n’en rien tirer de nouveau, car nous avons lu ce récit, qui est la XIXe histoire du livre de Rosset dans l’édition de Lyon, 1701, in-8º, p. 349, etc., et nous n’y avons trouvé que la reproduction, mot pour mot, du livret populaire. Collin de Plancy, dans ses Anecdotes du XIXe siècle, Paris, 1821, in-8º, t. II, p. 267, avoit déjà donné un long extrait de ce chapitre des Histoires tragiques, et l’auteur d’un article du Mercure de France traitant du même sujet, reproduit par Merle dans l’Esprit du Mercure, etc., Paris, 1808, in-8, t. I, p. 27–29, l’avoit aussi suivi de tout point. Quant à la pièce que nous donnons, et qui, je le répète, est si bonne à lire après l’autre, personne n’en a dit un mot. L’auteur de l’article Guilleri, dans la Biographie universelle, et après lui M. Fillon, la citent seulement, avec ce titre inexact : Prise et lamentation du capitaine Guilleri, in-8.

2. Le nom véritable du chef de bande ne se trouve pas davantage dans le livret réimprimé par M. Fillon ; seulement une note curieuse de cet érudit nous donne la raison du sobriquet qu’il prit. Dans les légendes poitevines, saintongeoises et vendéennes, il existoit, bien avant le temps de Guillery, un type de chasseur ou de brigand nocturne connu sous le nom, presque semblable, de Guallery. On appeloit Chasse Guallery ses courses dans les bois, après lesquelles on trouvoit toujours quelque cadavre au fond des taillis. Plusieurs ballades furent faites sur Guallery et sa chasse. M. Fillon (p. 27–30) en cite une qu’il entendit chanter à Saint-Cyr en Talmondois, et dans laquelle Guallery, déjà moins redouté, est mis en scène, non pas tant comme un chasseur d’hommes que comme un dépisteur habile de lièvres et de perdrix. Son nom, toutefois, au commencement du dix-septième siècle, devoit avoir encore gardé tout son sinistre caractère, et il n’est pas étonnant que le noble Breton, se faisant bandit, voulût en prendre un qui le rappelât, et se donnât celui de Guilleri. Il en résulta entre les deux personnages une confusion inévitable, et dans laquelle on est surtout tombé au sujet de la chanson si populaire encore, surtout en Saintonge, avec ce refrain : Toto carabo, compère Guilleri. On pense qu’il s’agit de Guilleri le brigand ; mais M. Fillon prouve fort bien qu’il doit être question de Guallery le chasseur fantastique, puisque trente ans avant l’arrivée du bandit dans le Bas-Poitou, on avoit imprimé une plaquette anonyme intitulée : Le vray pourtraict du Huguenot, MDLXXIX, petit in-8, 12 pages, ou se trouve, page 7, cette allusion à l’un des épisodes de la chanson : « Comme Guallery, ils se casseront la jambe, si mieux n’aiment le col. »

3. Le duc de Mercœur, qui commandoit en Bretagne, et le dernier qui tint pour la Ligue. « En ce temps-là, lit-on dans le livret publié par M. Fillon (p. 7), le duc de Mercœur tenoit encore la Bretagne, et avoit amassé autour de lui force gens de toute sorte. Guillery s’alla enrôler sous ses étendards, où il ne fut pas long-temps sans conquérir réputation. »

4. Scinis, le brigand tué par Thésée.

5. Dans l’Histoire de la vie et grandes volleries, etc., il n’est parlé d’abord que « d’une quarantaine des plus résolus mauvais garçons », dont Guilleri se fait le chef.

6. Il avoit trois ou quatre retraites en Bas-Poitou, Bretagne et Saintonge, les plus sûres dans les forêts de Machecoul, des Essarts, de la Chastenerie. Id., p. 8.

7. Dans le livret populaire, cette aventure forme le chapitre 3e, qui a pour titre : « Comme il vola un paysan en lui faisant prier Dieu. » Le récit est le même à peu près ; seulement la scène ne se passe pas sur la grande route de Nantes, mais sur « le grand chemin qui va de Nantes à La Rochelle ». Le bonhomme se rendoit à cette dernière ville.

8. Le château de Saint-Hermine étoit la baronie de Jacques Desnouches, chevalier, seigneur de la Tabarière, baron de Saint-Hermine, mari de Anne de Mornay, fille de l’illustre Duplessis Mornay. Fillon, notes.

9. L’affaire du château de Mareuil est racontée, p. 12–13, dans le livret publié par M. Fillon.

10. Bessay, selon M. Fillon, appartenoit alors à Jonas de Bessay, chevalier, baron de Saint-Hilaire, seigneur de la Voute de Boisse, gouverneur de Talmond, mari de Louise Chasteigner, fille du seigneur de Saint-Georges.

11. C’étoit celle du bois des Essarts.

12. Dans l’Histoire de la vie et grandes voleries, etc., il est parlé de ce luxe de Guilleri et de ce « cuir d’Espagne volé sur mer, près des Sables-d’Olonne, à la prise d’un vaisseau enlevé par ses gens, qui exerçoient aussi la piraterie, et avoient alliance avec les forbans de plusieurs pays. » Fillon, p. 13.

13. Guilleri fit souvent de ces mauvais partis aux prévôts. Il y a deux chapitres à ce sujet dans l’Histoire de la vie et grandes voleries… : savoir : Comme Guilleri prit prisonniers les prévosts de Niort et de La Rochelle. — Comme Guillery rencontra le prévost de Fontenay avec ses archers.

14. Nous n’avons trouvé qu’ici ces détails sur les excursions lointaines de Guilleri et de sa bande. Il est certain qu’ils furent alors redoutables par toute la France, et qu’on les trouve nommés avec les Rouget, Barbet, Grisons, et autres bandits qui désoloient le royaume sur ses points les plus opposés.

15. M. de Parabère, gouverneur de Niort, commandoit l’attaque, qui est ici racontée avec plus de détails que dans le livret de M. Fillon.

16. «… Guilleri, ne craignant ni Dieu ni diable, ayant exhorté ses gens à la défense, sortit le premier, monté sur un cheval, le pistolet en main, passa au travers les ennemis et se sauva. »

17. C’est le frère du grand Guillery, dont il est parlé au commencement de cette pièce. Quant à lui, il s’est sauvé, comme nous venons de le voir ; d’après l’Histoire de la vie et grandes voleries…, il s’en va dans les environs de Bordeaux, y vit quatre années environ en riche gentilhomme, puis, découvert par un marchand qu’il avoit autrefois volé, il est pris et rompu sur la place publique de La Rochelle.