Page:Variétés Tome VI.djvu/327

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cogneu à diverses fois, mais il se desguisoit et n’estoit possible de l’attraper. Un jour les archers du prevost des mareschaux le rencontrèrent dans la forest de Fontainebleau desguisé en hermite10 et luy demandèrent s’il n’avoit eu aucun vent de Carrefour. Il leur dict qu’il sçavoit où il estoit, et les mena fort avant dans le bois, où enfin ils se virent investis de cinquante volleurs qui les poursuivirent jusqu’au dehors de la forest. On n’entendoit parler que de Carrefour, et dejà le tenoit-on pour un autre Guillery11. Ce bruit luy fit prendre la fuite, et, se voyant couru de tous les prevosts des mareschaux de France, il s’advisa de se retirer avec un nommé Chenevasson, dit La Roche, soldat dudit Mailly, en la ville de Chambery en Savoie, où il feignoit avoir des procez au Parlement ; et parcequ’il avoit offensé grand nombre de personnes d’authorité, il fut recommandé par tous les pays estrangers voisins de ce royaume, où l’on envoya son tableau, qui fut cause qu’un senateur dudit Chambery qui avoit la charge de la police, ayant veu ledit Carrefour, eut opinion que c’estoit le grand et insigne volleur dont l’on parloit tant en France ; et, lorsqu’il le vit promener sous la halle dudit Chambery avec un gentilhomme du païs de Charolois qui s’y estoit refugié à cause d’un mariage clandestin, ledit senateur, assisté des officiers de la


10. Ce fait se trouve aussi raconté dans la Prise du capitaine Carrefour, etc.

11. Il y a en effet entre eux de grands points de ressemblance. V., sur Guillery, notre t. 1, p. 289, et le Journal de L’Estoille, fin septembre 1608.