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la picque. Mais quoy ! j’ay beau dire, pour tout cela point de table mise, point de cuysine qui fume, personne ne rinse des verres, point de flascon, point de bouteille, rien ; je ne vois que la campagne, et me faut paistre de boire la poussière. Ha ! pauvre Picotin, quand j’estois ché le bon homme2, je faisois chère de cavaliers, je me faisois traicter en marchand et payois en soldat ; et maintenant je ne treuve pas d’eau fresche pour me gargariser la dent !

A ! ventre sus ventre ! tue ! tue ! tue ! L’ennemy,


dans notre tome 3, p. 174, avoit ainsi montée pour le duc de Lucques : « Sennamy (sic) ayant fait offrir à MM. de Lucques de leur mener et nourrir, durant leur guerre contre le duc de Modène, trois cents hommes de pied, ils lui ont donné commission. » (Lettre de Malherbe à Peiresc du 14 septembre 1613.) On finit par s’inquiéter à la cour de ces enrôlements, qui appauvrissoient la France de soldats. Louis XIII les défendit par les lettres-patentes du 22 septembre 1614, que nous avons déjà citées (t. 5, p. 217). C’est avant cette date que le capitaine Picotin avoit dû servir le duc de Savoie. Tout me donne à penser, en effet, que l’expédition pour laquelle il lui avoit mené sa compagnie est celle du Montferrat et de Mantoue, vers le milieu de 1613. Malherbe, dans sa lettre du 4 juin, appelle cette guerre « la chaleur du foie de M. de Savoie », sans doute parcequ’il s’y étoit jeté en affamé qui va tout dévorer ; mais, la France, l’Espagne et les Vénitiens s’étant mis de la partie, il fallut bien qu’il se calmât et fît la paix. Le renvoi des compagnies mercenaires dut suivre de près. De là la plainte du capitaine Picotin.

2. Le paysan. V. plus haut, p. 53, note, et, sur les ravages des soldats dans les campagnes, notre t. 5, p. 215, note.