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Mais Orfée parut marqué de mille playes
Qui font encore voir si les fables sont vrayes.
Quand Garguille eut apris que c’estoit ce rimeur :
Nos poètes, dit-il, sont bien d’une autre humeur ;
Ils ne se feront point mettre le corps en pièces
Faute d’aimer la femme : ils ont tous leurs maîtresses,
Et plustost deux que trois. À ces mots Tabarin
Ayant trouvé du goust, fist un ris de badin ;
Mais Gautier, s’ennuyant de se voir inutile,
Dist qu’il vouloit monstrer comme il estoit habile,
Si tost qu’il auroit sceu les agreables lieux
Où les comediens font admirer leurs jeux.
Alors, sans differer, il courut sur les friches
Pour voir en toutes parts s’il verroit des affiches ;
Mais quand il n’en vit point, et qu’il fut asseuré
Que là son bel esprit seroit moins admiré
Que parmy les humains, il se change en tristesse,
Fasché de n’y voir pas rire de ses souplesses.
Il court de tous costez, hurlant à tout moment
Un discours qui ne dit que : Paris ! seulement.
Il se met sur un mont où vainement il tache,
Planté sur ses orteils, d’aviser sainct Eustache6.
Un esprit politique, ayant tout ecouté,
Le voulut faire boire au fleuve de Lethé,
Afin que des humains il perdît la memoire :
C’estoit vouloir sans soif forcer un asne à boire,



6. C’est à la pointe formée par le chevet de cette église, auprès du petit pont jeté sur l’égout, et qui s’appeloit Pont-Alais, que les comédiens venoient en bande faire leur montre. Nous avons déjà parlé, d’après des Périers, du farceur qui, à cause de cela, avoit pris le surnom de Pont-Alais.