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Tout à l’heure, avant d’écrire ces lignes, je recevais une nouvelle, peut-être inexacte : on me transmettait que Sophia avait eu la hardiesse et la ruse de se glisser à la dernière conférence semi-publique donnée à Paris par la Ligue antimaçonnique du Labarum ; par une de ses auxiliaires en sacrilèges ayant soutiré une lettre d’entrée à quelque catholique confiant, elle a pu s’insinuer dans cette assemblée du moins, on croit l’avoir reconnue. Eh bien, si elle récidive et si on la prend sur le fait, je conseille de lui être tolérant, mais avec énergie : qu’on l’asperge de quelques gouttes d’eau bénite. Je suis bien certaine que le démon hurlera ; on aura ainsi la preuve de la très réelle possession dé la malheureuse ; on rendra grand service à mon ex-Sœur.

Pitié ! grande pitié pour elle !… Elle est, à ma connaissance, la plus infortunée des créatures qui vivent à notre époque sur cette terre.

Sophia, vous avez voulu ma mort : je vous ai pardonnée, au temps de mon erreur, par amour de Lucifer. Je n’eus jamais contre vous aucune haine, je vous l’assure ; alors, vous m’étiez indifférente.

Comment, aujourd’hui, n’irais-je pas plus loin ?… Quand on a le bonheur d’avoir la foi en Jésus-Christ, non seulement on pardonne les offenses, mais encore on aime qui vous a offensé. Pauvre âme qui m’êtes maintenant une des plus chères, vous ne vous doutez pas de la sincérité de ce que j’écris ; hélas pour vous ! vous déchirerez ces pages avec colère, en me traitant d’hypocrite… Et pourtant !… Si vous vouliez un peu me croire ! si vous consentiez à essayer de réfléchir une seconde !… Ah ! Sophia, que je vous plains ! et que je vous aime !… Oui, je vous aime, précisément parce que vous me détestez. Il n’est pas un jour où je ne prie pour vous ; et les prières monteront au ciel pour vous, ferventes, à mon appel… Mademoiselle, on vous a maudite ; je vous ferai aimer.

D’abord, je vous rendrai publiquement justice. Il y a eu des exagérations contre vous ; on a recueilli, avec trop de facilité, des échos calomnieux. Il est une accusation dont vous avez été outrée ; vous savez qu’elle n’a jamais eu crédit auprès de moi. Votre révolte contre cette accusation est — le dirai-je ? — une lueur d’espérance. Non, vous n’êtes pas si mauvaise qu’on l’a publié : le mauvais, c’est Bitru qui est en vous ; le coupable de tout, c’est Lucifer, auteur de l’Apadno, c’est Satan qui vous a désignée là comme étant la Bisaïeule de l’Anti-Christ…