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l’ensemble des reconstructions : par exemple, que les suffixes étaient formés de certains éléments (t, s, r, etc.) à l’exclusion d’autres, que la variété compliquée du vocalisme des verbes allemands (cf. werden, wirst, ward, wurde, worden) cache dans la règle une même alternance primitive : e—o—zéro. Par contre-coup l’histoire des périodes ultérieures s’en trouve grandement facilitée : sans reconstruction préalable, il serait bien plus difficile d’expliquer les changements survenus au cours du temps depuis la période antéhistorique.

§ 2.

Degré de certitude des reconstitutions.

Il y a des formes reconstruites qui sont tout à fait certaines, d’autres qui restent contestables ou franchement problématiques. Or, comme on vient de le voir, le degré de certitude des formes totales dépend de la certitude relative qu’on peut attribuer aux restitutions partielles qui interviennent dans cette synthèse. À cet égard, deux mots ne sont presque jamais sur le même pied ; entre des formes indo-européennes aussi lumineuses que *esti « il est » et *didōti « il donne », il y a une différence ; car dans la seconde la voyelle de redoublement permet un doute (cf. sanscrit dadāti et grec dídōsi).

En général on est porté à croire les reconstitutions moins sûres qu’elles ne le sont. Trois faits sont propres à augmenter notre confiance :

Le premier, qui est capital, a été signalé p. 65 sv. : un mot étant donné, on peut distinguer nettement les sons qui le composent, leur nombre et leur délimitation ; on a vu, p. 83, ce qu’il faut penser des objections que feraient certains linguistes penchés sur le microscope phonologique. Dans un groupe tel que -sn- il y a sans doute des sons furtifs ou de transition ; mais il est antilinguistique d’en tenir compte ; l’oreille ordinaire ne les distingue pas, et