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restantes dans les pis ; plus on répète les traites, dans l’espace de vingt-quatre heures, plus le lait est abondant et moins il contient de crême, et vice versa, ce qui sembleroit faire présumer que la nature ne s’occupe d’abord que de la composition du lait, et que c’est avec une portion de ce fluide qu’elle fabrique la crême ; que la succion du lait en facilite beaucoup la sécrétion ; que plus souvent le nouveau né tette, moins le lait qu’il prend est substantiel et gras ; observations importantes, bien capables de donner carrière à l’esprit, par rapport aux conséquences multipliées qu’on peut en tirer pour l’avantage de la médecine pratique et de l’économie domestique.

Il est difficile de déterminer, par l’analyse la plus exacte, la quantité et la proportion des parties constituantes du lait, puisqu’elles changent d’état à chaque instant de la journée et qu’elles varient dans les divers animaux, dans les animaux de la même espèce, dans le même animal, enfin dans la même traite.

À défaut du tableau des produits, nous allons offrir, sous un seul point de vue, les différentes espèces de lait, rangées dans l’ordre où nous pensons qu’elles doivent être, relativement aux produits les plus essentiels que nous avons apperçu qu’ils fournissoient, toutes choses égales d’ailleurs, plus abondamment les unes que les autres.

BEURRE FROMAGE SEL ESSENTIEL SÉRUM
La brebis La chèvre La femme L’ânesse
La vache La brebis L’ânesse La femme
La chèvre La vache La jument La jument
La femme L’ânesse La vache La vache
L’ânesse La femme La chèvre La chèvre
La jument La jument La brebis La brebis

On peut donc, à la rigueur, former de ces six espèces de lait les plus usitées, deux grandes divisions ou classes : l’une qui, riche en matière caseuse et butireuse, comprendroit les faits de vache, de chèvre et de brebis, tandis que, dans l’autre, on rangeroit les faits de femme, d’ânesse et de jument, comme plus abondans en sel essentiel et en sérosité.

Mais, l’emploi du lait en mature ne se borne pas seulement aux usages économiques ; on est parvenu à en faire quelques applications heureuses aux arts ; nous citerons, entr’autres, la clarification des liqueurs vineuses et spiritueuses, la conservation des viandes dans le lait caillé, le blanchiment des toiles par le petit lait aigri, etc. (Parmentier.)


LAPIN, (Addition aux art. Clapier, Garde-chasse, Garenne et Lapereau, du Cours.) Jamais imprécations ne furent versées avec autant de violence et de profusion que celles dont M. Rozier accabla les lapins. A l’entendre, les ravages des loups ne sont que bagatelles en comparaison du mal que cause cette espèce, et la grêle seule est un fléau plus à redouter dans les campagnes. Son vœu le plus ardent est de voir détruire tous ces animaux, et il s’indigne de ce que leur anéantissement n’est pas généralement résolu. Rozier a vécu assez long-temps pour que ses désirs fussent accomplis sous ses yeux mêmes, au moins dans sa patrie ; son zèle, dont l’expression brûlante n’avoit obtenu aucun succès pendant plusieurs années, triompha tout à coup, et les lapins furent exterminés en France à l’époque de la révolution, c’est-à-dire au moment où l’exagération s’empara des esprits en effervescence, et les entraîna dans une multitude d’excès.

C’étoit, sans doute, une idée exagérée qu’une provocation véhémente à l’anéantissement brusque et total d’une espèce dont la trop grande multiplication seroit, à la vérité, funeste à l’agriculture, mais qui, maintenue dans de justes bornes,