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soleil, on place un paillasson par-devant, alors, pour ainsi dire claquemurée, elle file, elle s’étiole & n’acquiert qu’une foible consistance. Il vaut donc mieux placer la couche au milieu d’un jardin, & garantir le semis du soleil, depuis neuf heures du matin jusqu’à trois de l’après midi. La terre demande à être tenue toujours humide, mais non pas trop humectée, trop pénétrée par l’eau ; & on ne doit jamais perdre de vue que le terreau se dessèche très-facilement. Pendant les deux premières années, & à l’entrée de l’hiver, les caisses ou les vases doivent être déposés dans un lieu où il ne gèle pas & qu’on tient ouvert autant que les circonstances le permettent & le plus longtemps qu’on le peut. Sur les hautes montagnes, la neige sert de toit & d’abri aux jeunes semis. À la troisième année, les pieds ont acquis assez de force & ne craignent plus les gelées. Le temps de la transplantation ou plantation à demeure, est en avril ou mai, & même plutôt, suivant le climat que l’on habite, & la manière d’être de la saison. Cependant si le temps faisoit craindre une gelée tardive après la transplantation, on préviendra ses effets funestes en couvrant les jeunes pieds avec des feuilles sèches ou avec de la paille coupée menue.

3. Du soin des semis. Aucune herbe ne végète dans les forêts de sapins, à l’exception de quelques mousses & de tophris à nid d’oiseaux. On ne craint pas l’entrée du bétail. Si un coup de vent, si le tonnerre, si un accident quelconque renversent quelques arbres, & établissent une clarière, alors il y croît de l’herbe, ensuite des framboisiers, dont la semence est apportée par les oiseaux ; enfin sous cette herbe sous le sous-arbrisseau, la graine de sapin germe, bientôt la clarière est couverte de jeunes sapins, &, à mesure qu’ils s’élèvent, les framboisiers & l’herbe disparoissent ; mais, si on laisse aller le bétail paître cet arbre, il déracine les jeunes plants, il les piétine, il les brise, & la clarièra subsiste tant que l’entrée n’est pas défendue aux animaux. Il en est ainsi des sapinières que l’on forme par les semis ; il faut les clorre avec des broussailles ou avec des branches inférieures, qui meurent sur le tronc des grands lapins.

C’est une erreur de penser qu’il faille élaguer des sapins. Si on élague, on est assuré que l’arbre ne prospérera pas. On a vu, à l’article racine, que chaque branche, que chaque rameau correspond à sa racine, peut-être même chaque feuille à son chevelu ; il est donc clair que, si on coupe une branche (sur-tout un sapin), avant que la nature ait déterminé sa chûte, on nuit a son accroissement. Il est presqu’impossible de traverser, dans une jeune sapinière, à cause de l’entrelacement de ses branches. Si on réfléchissoit, on verroit qu’elles suivent la loi de la nature, qui ne fait rien en vain ; que ces branches, couvrant le sol de leur ombre, en empêchent l’évaporation & y retiennent l’humidité ; que par leur écartement elles étouffent les pieds les plus foibles, & qu’à la longue, chaque pied se trouve convenablement espacé des pieds voisins. Enfin tous les pieds croissent à-la-fois, & presque avec la même force. Si on demande pourquoi les branches inférieures se dessèchent, & meurent à mesure que le tronc