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tracera entre la couche de terre remuée & celle qui ne l’est pas ; mais trouvant un obstacle à suivre la première loi qui lui est indiquée par nature, il poussera des racines latérales & chevelues, qui absorberont pour se nourrir tout l’humus (consultez ce mot) renfermé dans la couche labourée. Mais si avant de semer le blé, on laboure à sillons profonds, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, il en résultera deux grands avantages : 1°. Le blé en profitera ; 2°. le trèfle plongera sans peine son pivot, n’absorbera pas l’humus de la couche supérieure ; enfin, il craindra moins dans la suite les funestes effets de la sécheresse. C’est donc en raison de la méthode, que l’on a suivi pour labourer, sans avoir égard à la qualité du sol, & à la manière de pousser de la racine, que le trèfle absorbe plus ou moins l’humus de la couche supérieure, & que les blés réussissent plus ou moins bien après les trèfles. (Consultez l’article Racine, il est ici essentiel.)

Outre ces principes tires des loix de la végétation du trèfle, il en est encore un autre aussi essentiel. (Consultez l’article Amendement, & sur tout page 500 du tome premier.) Le trèfle enrichit ou appauvrit le sol, suivant que sa culture est dirigée. (Consultez encore l’article Prairie, & sur-tout le chapitre des Prairies artificielles.) Les uns & les autres dispensent d’entrer ici dans de plus grands détails & de multiplier les répétitions.

La coutume ordinaire est de semer le trèfle sur le blé qui a été semé avant l’hiver, & c’est en général au mois de mars qu’on répand la graine de trèfle. Cette époque ne sauroit être fixée ; elle dépend du climat : il faut donc l’avancer ou la retarder, suivant la manière d’être de la saison.

On doit concevoir qu’il y a, suivant cette méthode, beaucoup de graines perdues. Si les pluies ont été abondantes, la superficie de la terre doit être dure, & la graine s’enfouira difficilement : il est donc important de passer le rouleau sur tout le blé ; cette opération le chaussera & elle enterrera la graine. Sans cette précaution, les fourmis ne tarderont pas à en faire de fortes provisions. D’ailleurs, si après la semaille il ne survient pas de la pluie, si on éprouve une sécheresse, plus de la moitié de la graine ne germe pas. On ne s’aperçoit de ces défauts que lorsque le blé est moissonné. Si les vides sont par places ou par cantons, on doit les attribuer aux déprédations des fourmis ; si le manque est général, ou doit l’attribuer à la mauvaise qualité de la graine, ou à la sécheresse qui s’est opposée à la germination.

Un moyen bien simple préviendra ces inconvéniens, & il s’applique naturellement dans tous les climats susceptibles de la culture du grand trèfle. Je conseille, d’après l’expérience confirmée au moins vingt fois par le plus heureux succès, de saisir le jour où la neige commence à fondre, & de semer sur cette neige la graine du trèfle. L’eau de la neige fondante, entraîne avec elle la graine, & l’enfouit dans la terre soulevée par la gelée, & qui, par le dégel, offre ces interstices multipliés. On objectera peut-être que si, après le dégel, il survient de fortes gelées, la graine en souffrira, s’altérera, & dans la suite ne germera pas. J’ai la preuve la plus complète du contraire ; voilà ma