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sant, font une espèce d’encens ; mais pour avoir la poix en plus grande abondance, on emporte dans le temps de la séve, qui arrive nu mois d’août, une lanière d’écorce, en observant de ne point entamer le bois… Si l’on aperçoit sur des épicias qui sont entaillés depuis long-temps, que les plaies sont profondes, c’est parce que le bois continue à croître tout autour de l’endroit qui a été entamé ; & comme il ne fait point de productions ligneuses dans l’étendue de la plaie, peu-à-peu ces plaies parviennent à avoir plus de dix pouces de profondeur. Les plaies augmentent aussi en hauteur & en largeur, parce que l’on est obligé de les rafraîchir toutes les fois qu’on ramasse la poix, afin de détruire une nouvelle écorce qui se formeroit tout autour de la plaie, & qui empêcheroit la résine de couler ; ou plutôt pour emporter une portion d’écorce qui devient calleuse en cet endroit, lorsqu’elle a rendu sa résine. Bien loin que ces entailles & cette déperdition de résine fasse tort aux épicias, on prétend que ceux qui sont plantés dans des terrains gras, périroient si l’on ne tiroit pas par des entailles une partie de leur résine.

» Tous les ans, les épicias ordinaires dont les cônes sont très-longs, & dont les feuilles sont d’un verd plus clair que celles des sapins, fournissent la poix pendant les deux séves, c’est-à dire depuis le mois d’avril jusqu’en septembre ; mais les récoltes sont plus abondantes quand les arbres sont en pleine séve, & l’on en ramasse plus ou moins souvent suivant que le terrain est plus ou moins substancieux ; en sorte que dans les terrains gras on fait la récolte tous les quinze jours, en détachant la poix avec un instrument qui est taillé d’un côté comme le fer d’une hache, & de l’autre comme une gouge. Ce fer sert encore à rafraîchir la plaie toutes les fois qu’on ramasse la poix.

» Il est bon de faire remarquer que cette substance résineuse ne sort point du bois ; mais la plus grande quantité transsude entre le bois & l’écorce. Elle se fige aussitôt qu’elle est sortie des pores de l’arbre ; elle ne coule point à terre, mais elle reste attachée à la plaie en grosses larmes ou flocons ; c’est ce qui établit une si grande différence entre la poix que fournissent les épicias, & la térebenthine que donnent les sapins.

» Les épicias ne se plaisent pas dans les pays chauds ; mais s’il s’y en trouvoit, il pourroit arriver que la poix qu’ils fourniroient seroit coulante presque comme la résine des sapins. (Consultez ce mot) On sait que la chaleur amollit les résines au lieu de les dessécher, & ceux qui ramassent la poix des épicias remarquent qu’elle ne tient point à leurs mains lorsque l’air est frais, & qu’elle s’y attache au contraire quand il fait chaud. Alors ils sont obligés de se les frotter avec du beurre ou de la graisse, afin d’empêcher cette poix, qui est gluante, de coller leurs doigts les uns contre les autres… La poix des jeunes épicias est plus molle que celle des vieux, mais elle n’est jamais coulante.

» Dans les forêts des épicias qui sont sur des rochers, on aperçoit beaucoup de racines qui s’étendent souvent hors de terre. Si on les entaille, elles fournissent de la poix en abondance ; mais cette poix est épaisse