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enflure générale suspendant tous les mouvemens des viscères, il périt. Elle est due en partie à l’abondance d’air fixe contenue dans la rosée, & qui est encore augmentée par celle qu’elle absorbe de la transpiration de la plante. Cet air se développe dans l’estomac, & sa chaleur lui fait occuper un très-grand espace. L’estomac une fois boursouflé, cet air s’insinue de proche en proche, gagne les autres viscères, & souvent cause l’apoplexie, presque toujours mortelle aux troupeaux. Le remède indiqué à l’article luzerne, est applicable dans cette circonstance. Outre cet air fixe qui produit de si grands ravages, la rosée est encore la source d’autres maux, suivant les principes qui y dominent. Par exemple, près des mines d’où il s’exhale des odeurs nuisibles, des émanations métalliques, il est clair que la rosée des environs contracte des principes plus ou moins dangereux. Plusieurs Médecins ont pensé que certaines maladies épidémiques ou épizootiques devoient être attribuées à la rosée ; ce qu’il est difficile de prouver. Quoi qu’il en soit, le propriétaire attentif ne laissera sortir ses troupeaux, sur-tout depuis le printemps jusqu’à la fin de l’automne, qu’une heure après que la rosée est dissipée. Si le troupeau appartient en partie au berger, il suivra scrupuleusement cette loi, parce que son intérêt s’y trouve ; s’il appartient tout entier au propriétaire, il n’y regardera pas de si près.

Plusieurs auteurs ont avancé que dans le nombre des espèces de gouttelettes de rosée, il y en avoit qui étoient tranchantes & aiguës, & qu’elles nuisoient aux plantes, aux feuilles, &c ; &c. Avant d’admettre ces faits, il seroit nécessaire de les constater. Quant à moi, je n’ai jamais vu les gouttelettes de la rosée que très sphériques ; mais ce que j’ai très-bien observé, c’est qu’en se dissipant, attirées par la chaleur du soleil, elles laissoient quelquefois sur les feuilles, sur les fruits, un résidu souvent jaunâtre qui tachoit le fruit. Afin de me convaincre si la tache étoit due à l’effet de ce résidu, ou à celui du soleil, j’étendais sur le fruit un papier blanc, la rosée se dissipoit plus lentement en-dessous, que celle des fruits voisins, & le résidu tachoit ce fruit, cette feuille ; souvent aussi elle ne le tachoit pas. Je ne veux rien conclure de ces expériences ; je ne les ai pas assez répétées, pour statuer quelque chose de positif ; je les indique aux amateurs, seulement afin de les inviter à les suivre. Quoi qu’il en soit, l’expérience de tous les pays prouve qu’il ne faut qu’une rosée abondante, suivie d’un soleil chaud, pour tacher toutes les feuilles des mûriers, les fruits, les abricots, & les raisins muscats sur-tout. Il y a deux manières d’expliquer ce phénomène : chaque gouttelette forme autant de petits miroirs ardens, qui, pénétrés par les rayons solaires, brûlent tous les points sur lesquels ils établissent leurs foyers ; ou bien on sait que l’évaporation produit le froids que le froid retient la transpiration insensible, d’où il résulte que dans les parties où il y a eu suppression de transpiration, il s’y est formé un petit ulcère qui a corrodé la pellicule du fruit ou de la feuille. C’est au lecteur à choisir celle des deux explications qu’il jugera à propos, ou à les rejeter, s’il en connoit de meilleures.